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l'éblouissement d'Edimbourg , l'assorabrissement d'Ellisland et de Dumfries ; nous ne le reverrons plus dans cette atmosphère joyeuse et légère. II aura de plus éclatants moments, mais souvent avec des orages, et les plus heureux ne seront jamais sans leurs nuées. On aime à se le représenter, serein, avec ses regards si éloquents où ne passaient pas encore les regrets, robuste, gai, se précipitant, comme il le faisait en toutes choses, impétueusement dans le travail. Il ne craignait personne pour conduire une charrue ou manier une faux. Avec cela, plein de bonté pour les gens et les bêtes. Son frère avait un peu de la sévérité du père, mais, lui, sous son envelopppe plus rude, avait toujours un coup de main et un mot d'encouragement prêt pour les plus jeunes travailleurs ; quand l'autre grondait, « ô homme I vous n'êtes pas fait pour ce jeune peuple, » disait-il i. Les animaux eux- mêmes semblaient sentir en lui une indulgence plus grande : on peut être sûr qu'il leur causait amicalement et que le Salut de Nouvelle Année du Vieux Fermier à sa vieille jument n'est pas autre chose qu'une de ces conversations.

Et quels flots de poésie, de gaieté, d'éloquence, d'humour,de fantaisie, répandus sur toute la dure besogne de cette dure vie; tout cela débordant, jaillissant, étincelant , intarissable, plein de bonds joyeux, de visions lantastiques, comme le ruisseau écossais qui saute autour d'un roc et frissonne aux rayons du soleil. Les œuvres, chez lui, ne sont que des fragments, les premiers venus, de sa parole ordinaire. Tous ceux qui l'ont connu prétendent que sa conversation était égale, sinon supérieure à sa poésie ; et elle n'eut jamais plus de gaieté qu'à Lochlea. Gilbert se rappelait avec bonheur les jours oii, avec deux autres compagnons, ils allaient couper de la tourbe pour le combustible d'hiver ^. Avec ces deux ou trois paysans obscurs pour auditeurs, Robert entretenait un feu roulant d'esprit, de fines remarques sur les hommes et les choses, qui rendaient radieuses ces heures passées dans un marécage. Il était vraiment l'étonnement et la gaieté de tout le pays. Les anecdotes sont unanimes et inépuisables à raconter l'effet de sa parole sur ceux qui l'entouraient. Un jour, passant dans un champ qu'on fauchait, il attire peu à peu autour de lui toute la bande des moissonneurs qui se tordent de rire et se laissent tomber à terre oubliant leur besogne. Un autre jour, il entre dans un moulin et fait si bien que ceux qui sont chargés de déblayer l'auge où tombe la farine, absorbés à l'entendre, la laissent s'emplir jusqu'à ce que la meule s'engorge et s'arrête. Ailleurs, c'est le forgeron qui, le marteau levé, l'écoute jusqu'à ce que le morceau de fer qu'il

1 77u' Hifjhland Nole-Book, by R. Garruthers, Inverness, cité par Chambers. Life of Burns , tom. I, p. 86.

2 Chambers, tom. I, pag. 36.