Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avait sur renclume se refroidisse. C'était à la forge surtout, le lieu de réunion du village, qu'il fallait le voir. Chaque fois qu'il y devait venir, les voisins arrivaient pour faire cercle autour de lui et écouter les histoires qu'il inventait et racontait, de façon à les secouer de gaîté ou à leur arracher des larmes ^ C'était vraiment un poète par nature que cet homme qui composait, pour des filles de fermes , les plus adorables chansons d'amour de la littérature anglaise et qui , devant quelques laboureurs, jetait à pleine main des récits dont la Mort et le D^ Hornbook et Tam de Shanter peuvent nous donner une idée. On croirait à peine à une telle puissance de parole chez ce jeune paysan de vingt et quelques années , si plus tard les hommes distingués et critiques qui l'entendirent à Edimbourg n'étaient aussi d'accord pour reconnaître que sa conversation les surprit plus encore que ses vers. On trouve dans ces souvenirs du D Mackenzie la première déposition, faite par un esprit cultivé, sur l'invraisemblable puissance de conver- sation de Burns. « A partir de la période dont je parle, je pris un vif intérêt à Robert Burns et, avant de connaître ses pouvoirs poétiques, je m'aperçus qu'il possédait de très grandes capacités intellectuelles, une imagination extraordinairement fertile et vive, une connaissance pro- fonde de beaucoup de nos poètes écossais et une admiration enthou- siaste de Rarasay et de Fergusson. Même alors, sur les sujets qu'il connaissait, sa conversation était riche en figures bien choisies, animée et énergique. A la vérité j'ai toujours pensé que personne ne pouvait avoir une juste idée de l'étendue des talents de Burns s'il n'avait pas eu l'occasion de l'entendre causer 2. » On voit ainsi peu à peu l'homme grandir, et la force de cet esprit s'imposer à tous autour de lui.

Cependant les choses de l'esprit continuaient à l'attirer. li portait toujours quelque livre dans sa poche. C'était l'Homme de Sentiment de Mackenzie, le Tristram Skandy de Sterne, les œuvres du vieux poète écossais Adam Ramsay, c'était surtout sa chère collection de chansons. Il continuait à les lire avec le même soin ; il prenait dans cette habi- tude une sûreté critique qui paraît dans les notes qu'il a mises aux vieilles chansons écossaises, et à la façon dont il juge les siennes propres. Du reste, toute la famille lisait, et (juand on entrait à la ferme aux heures des repas, les seules libres, on voyait le père et les fils un livre à la main ^.

Le goût de l'activité intellectuelle était vraiment admirable parmi ces hommes accablés de fatigues, et pour lesquels il semble que le

1 Hately Waddell — Life and Works of fi. Burns. Appendix, Réminiscences orifjinal. Part. I.

2 Réminiscences by D^ Mackenzie.

3 R. Chambers , tome I , p. 36.