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Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/517

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ou de bourgeois godailleurs, ses excès de boisson se rapprochent et s'alourdissent. Jusque-là ils avaient été intermittents et ils avaient eu comme contrepoids le travail corporel et le grand air de la campagne. Maintenant le danger devient quotidien et plus grave. Il était assailli constamment et de tous côtés. « A Dumfries, dit Héron, sa dissipation devint plus profonde et plus habituelle ; il était plus exposé que dans la campagne à ce qu'on le sollicitât de partager la débauche des dissolus et des oisifs; de sots jeunes gens, tels que des clercs d'hommes de loi, de jeunes médecins, des commis de marchands et ses confrères de l'Excise, se pressaient avidement autour de lui et de temps en temps le poussaient à boire avec eux, afin de pouvoir jouir de son audacieux esprit» *. D'un autre côté, lorsque les « Hunts » se réunissaient à Dumfries, « le poète était invité à partager leurs réunions et il n'hésitait pas à accepter l'invitation »^. La flânerie des heures inoccupées par ses fonctions, le besoin de bavardage dont on tue le désœuvrement d'une petite ville, les rencontres sur la place ou le long du quai, produisaient des occasions continuelles. La colère et l'emportement que la politicjue déchaînait en lui, comme chez les hommes du peuple qui n'ont pas appris de l'histoire à être calmes envers leur temps, les inquiétudes et les rages d'être observé ou réprimandé, étaient des excitations à boire et rendaient plus âpres les fumées de la boisson. Une vie sédentaire, mauvaise pour lui, empêchait sa constitution de se débar- rasser de ces ivresses et les y accumulait lentement. Avec un peu de soin on assiste à l'envahissement et aux progrès de cette funeste faiblesse. On peut la suivre comme un mauvais filon dans sa correspondance.

Vers la fin de 1792, on entrevoit un coin de cette existence fiévreuse. Il s'excuse à Cunningham de ne lui avoir pas répondu.

Non! je ne tenterai pas de m'excuserl Au milieu de la bousculade de mou métier, écraser les visages des cabaretiers et des pécheurs sur les roues impiloyables de l'Excise, faire des ballades, puis boire et les chauler en buvant. . . j'aurais pu trouver cinq minutes à consacrer à un des premiers parmi mes amis et de mes semblables. J'aurais pu faire ce que je fais à présent, prendre une heure sur lebord « du temps ensor- celé de la nuil » et gritïonner une page ou deux... Eh bien donc voici à votre bonne santé ! car j'ai mis une pinte de grog près de moi, eu guise de charme pour tenir ecarlé le grand diable ou ses suppôts subalternes (pii peuvent être en train de faire leurs rondes nocturnes 3.

Et plus loin, après deux pages de déclamations assez vagues :

Mais, un instant. ( Voici encore à votre santé I ) Ce rhum est du diablement bon Aûtigua, il ne faut donc pas le faire servir à délier la langue pour des médisances 3.

1 Héron. Life o[ Burm, p. 441.

2 Id., p. 442.

3 To Alex. Cunningham , lO'b Sept. 1192.