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joli était cet églantier rosé, Oui fleurit si loin des maisons des hommes, Et jolie était celle, et oh ! combien chère. Qu'il abritait du soleil couchant !

Ces boutons de roses, dans la rosée matinale.

Combien ils sont purs, parmi les feuilles si vertes ;

Mais plus pur était le vœu de l'amant

Qu'ils entendirent hier sous leur ombrage.

Dans son bocage rude et épineux, Qu'elle est douce et belle cette rose cramoisie ;

Mais l'amour est une tleur bien plus douce. Dans le sentier épineux et tortueux de la vie.

Qu'une solitude sans chemin, un ruisseau sinueux, Et Chloris dans mes bras, soient à moi ; Et je ne souhaite ni ne méprise le monde, Résignant également ses joies et ses chagrins "■.

Il ne s'agit plus là de passion avec sa dépense d'énergie, l'exalta- tion de tout l'être et son élévation à un plus haut IVéniissenient intellec- tuel et sensible. C'est quelque chose de beaucoup plus restreint, de plus matériel, et à coup sûr d'inférieur, la simple adoration, la simple posses- sion d'une formejeune et charmante. En réalité, c'était le goût, fréquent, dit-on, chez les hommes mûrs ou qui mûrissent, pour la beauté dans sa j)remière fleur. C'était le commencement de ces amours inégaux, oîi l'homme, dépouillé des qualités de l'amant, désire plus qu'il n'inspire, inq)lore et n'impose plus ; oii son vœu n'est pas d'être aimé, mais qu'on lui permette d'aimer ; où il n'existe plus de réciprocité complète, mais, de sa i)art, une gratitude soumise (jui mène vite aux dernières soumissions. Les hommes qui entrent dans cette faiblesse sont voués à un long supplice d'inquiétude et de vaines jalousies, à la torture de sentir qu'ils doivent leur instablejoie,ou àla pitié, ou à l'intérêt, ouàramour-propre,ouàlavanité, ou à la crainte, ou même à l'admiration et à la reconnaissance, à tout, sauf au vrai amour. Burns n'en était pas encore là. Mais c'était un commen- cement. Chloris n'avait guère de passion pour lui. C'était une distraction de fille complaisante et coquette, dont la manière habile et maîtresse de soi apparaît bien dans ces strophes :

Elle est jolie, verdissante, droite et grande. Et depuis longtemps tient mon cœur en servage ; Et toujours il charme le fond de mon ùme Le tendre amour qui est dans sou oeil.

Elle est friponne et "maligne ma Jane, Pour dérober un regard invisible à tous ;

1 bonif was ijon rosy brier.