Aller au contenu

Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/543

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 532 —

collaboration a fait de ce recueil un des livres de la littérature écossaise. Pendant tout ce travail il fit preuve d'un désintéressement qui, dans les circonstances oii il se trouvait, avait d'autant plus de mérite. Il était pauvre ; quelques livres auraient fait une différence dans son budget et allongé les bouts pour leur permettre de se joindre. Il ne voulut cependant jamais entendre parler de rémunération. Il fut sur ce point inflexible. Dans la lettre oii il lui demandait son concours, Thomson lui avait dit:

« Nous regarderons voire concours poétique comme une faveur particulière, outre que nous paierons n'importe quel prix raisonnable que vous demanderez pour nous le prêter. Le profit est pour nous une considération secondaire, et nous sommes résolus à n'épargner ni peines ni dépenses pour notre publication i.

Dans l'acceptation de Burns, cette offre avait pour réponse la phrase suivante :

Quant à une rémunération, vous êtes libre de regarder mes chansons comme au- dessus ou au-dessous de tout prix ; car elles seront absolument l'un ou l'autre. Dans l'honnête enthousiasme avec lequel je m'embarque dans votre entreprise, parler d'argent, de gages, d'émoluments, de salaire, etc., serait une véritable prostitution d'esprit 2.

Les choses en restèrent là pour le moment. Burns prit en main la partie littéraire, fournit chansons sur chansons, n'épargna ni ses peines, ni ses recherches, ni ses dérangements, sans compter l'inestimable contribution de son génie. La publication, grâce à lui surtout, prenait bien. Thomsoii voulut lui donner, non pas une rétribution, mais comme une part dans les bénéfices qui pouvaient provenir d'une œuvre dont ses vers faisaient le succès. Il le lui proposa en des termes qu'il faut citer, pour montrer combien ils avaient de tact et étaient incapables d'offenser la suscepti- bilité la plus prompte.

L'affaire ne dépend plus maintenant que de moi seul, les messieurs, qui au début s'étaient entendus pour avoir une part dans la publication, ayant demandé à s'en désister. Cela importe peu ; il est impossible que j'y perde. Le mérite supérieur de l'œuvre fera naître une demande générale, aussitôt qu'elle sera suffisamment connue. Et quand bien même la vente en serait plus lente qu'elle ne promet de l'être, je trou- vend une compensation à mon travail dans le plaisir que j'aurai pris à la nuisique. Je ne puis vous exprimer combien je vous suis obligé pour les exquises chansons nou- velles que vous m'envoyez ; mais les remerciements, mon ami, sont un faible retour pour ce que vous avez fait. Gomme je recueillerai les bénéfices de la publication, il faut que vous me permettiez de vous envoyer une légère marque de ma reconnais- sance, et de la renouveler plus tard quand je le trouverai opportun. Ne me la renvoyez pas, par le Ciel ! Si vous le faites, notre correspondance est finie. Cela, sans doute, ne serait pas une perte pour vous, mais cela ruinerait la publication qui, sous vos auspices, ne peut manquer d'être respectable et intéressante 3.

« 

1 G. Thomson la Robert Burns. Sept. n92.

2 To George Thomson, lôtt sept. n92.

3 G. Thomson to Robert Burns. ist July 1793.