Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/570

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 559 -

noires que la réalité. II perdit la tête, se vit saisi, emprisonné. Les deux lettres qu'il écrivit le même jour témoignent de son affolement. Il écrivait à Thomson :

« Après toutes mes fanfaronnades d'indépendance, la maudite nécessité m'oblige a implorer de vous la somme de cinq livres. Un cruel gredin de drapier, à qui je dois un compte, ayant mis dans sa lète que je suis mourant, a commencé une procédure et m'enverra infailliblement eu prison. Envoyez-moi, au nom de Dieu ! envoyez-moi cette somme, et cela, par le retour du courrier. Pardonnez-moi cette insistance, mais les horreurs de la prison me rendent à moitié fou. Je ne vous demande pas cela gra- tuitement, car lorsque la santé me reviendra, je vous fais la promesse et je prends l'engagement de vous fournir pour quinze li^ res du plus fin genre de ciian.-^ons que vous ayez va.... Pardonnez-moi ! Pardonnez-moi !... ^

Et à son cousin James Burness de Montrose, il envoyait le même appel pathétique :

« Mon cher cousin, quand vous m'offrîtes une aide d'argent, je pensais peu que j'en aurais si tôt besoin. Un gredin de drapier, à qui je dois une note considérable, se mettant en tète que je suis mourant, a commencé une procédure contre moi et enverra infailliblement en prison mon corps émacié. Voulez-vous être assez bon pour me piéter, et cela par retour du courrier, dix livres ? James, si vous connaissiez la fierté de mon cœur, vous me |)laindriez doublemeut. Hélas ! je ne suis pas accoutunu' à mendier ! Le pire est que ma santé s'améliorait bien et le médecin m'assure que la tristesse et le découragement sont la moitié de mon nuil. Devinez mes leri'eurs quand cette affaire est venuel Si elle était réglée, je serais, je le pensf, aussi bien que po.-^sible. Quel langage eniploierai-je avec vous ? oh ! ne me faites pas défaut ! Mais l'ordre maudit de la puissante nécessité.... Pardounez-nioi de vous le rappeler encore une fois — par retour du courrier. Sauvez-moi des horreurs de la prison I... Je ne sais pas ce que j'ai écrit. Le sujet est trop horrible ; je n'ose pas y jeter les yeux de nouveau.— Adieu ! ^

Ainsi, jusqu'au dernier moment, ces mots : « les horreurs delà prison » qui avaient si douloureusement résonné dans toute sa vie, le hantaient. Ils l'avaient terrifié à Lochlea ; ils l'avaient poursuivi à Mos«giel; ils avaient résonné à EUisland, et voici qu'ils le ressaisissaient jusque sous l'aile de la mort. Il fut tué par eux comme son père. Le choc de cette nouvelle détermina une recrudescence de fièvre, et, comme s'il renonçait à tout espoir de guérison, il voulut retourner à Dumfries. Il convient d'ajouter que son cousin James Burness et Thomson envoyèrent immédiatement les sommes qu'il demandait. Mais, quand l'argent arriva, il était au-delà de toutes les trihulatious de ce monde, là oii, enfin, « les méchants ne tour- mentent plus personne et où les fatigués trouvent le repos ^. »

Il quitta Brow le hindi 18 juillet, dans une voiture qu'on lui avait prêtée. Quand il en descendit, à Dumfries, il fallut le soutenir pour qu'il

1 To George Thomson. 12tii July 1~96.

2 To James Burness. July 12tii, 1"96.

3 Job 3. n.