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pût faire le court chemin qui le séparait de sa maison * , Sa femme fut telle- ment frappée du changement survenu en lui qu'elle demeura sans parole ^. Dans la ville, l'émotion était grande. Cunningham dit que Dumfries avait l'aspect d'une ville assiégée. On savait que le poète national était mou- rant, et l'anxiété, non seulement des riches et des gens instruits, mais encore celle des ouvriers et des paysans dépassait toute croyance. Quand deux ou trois personnes étaient réunies, la conversation n'était que de lui. On ne se souvenait plus que de ses qualités et de son génie ^.

Le jour de son retour, il eut encore le courage d'écrire à son beau- père, M"" Armour, un pressant appel :

« Cher Monsieur, au nom du ciel ! envoyez Mrs Armour immt^diatement ici. Ma femme s'attend d'heure en heure à s'ahter. Dieu bon ! Quelle situation pour elle, pauvre fille, sans un ami ! Je suis revenu des bains île mer aujourd'hui, et mes amis médecins voudraient presque me persuader que je vais mieux ; mais, je pense et je sens que ma force est partie, que la maladie nie sera fatale 1 3 »

Ce sont les derniers mots qu'il ait écrits. Il n'avait plus que quatre jours à souffrir. Un tremblement l'avait saisi ; sa langue était desséchée; il tomba dans le délire^. « Il avait conscience de cette infirmité, dit sa femme, et il me demanda de le rappeler à lui quand il divaguait ^. » Pour assurer le repos nécessaire dans la maison, ou avait envoyé les enfants chez M"" Lewars, en fiice. Jessy Lewars avait repris son poste de dévoue- ment et dédouble charité. Quelques voisins, ses compagnons de l'Excise, le venaient voir. Le second jour, la fièvre augmenta. Le troisième, il appela son frère, et cria d'une voix forte et rapide : « Gilbert! Gilbert ! » ^ Le matin du jeudi 21 juillet, il devint visible qu'il touchait à sa fin. Le docteur Maxwell, qui fut admirable de dévouement, avait veillé une partie de la nuit et était parti. 11 ne restait dans la chambre que deux voisins. On envoya chercher les enfants pour voir une dernière fois leur père. Les pauvres petits se tenaient rangés autour de son lit. L'aîné de ses fils conserva un souvenir distinct de cette scène, et il racontait que les derniers mots de son père avaient été une exécration murmurée contre l'homme de loi dont la lettre avait été, pour ses derniers moments, l'éponge trempée de fiel et de vinaigre*'. Puis graduellement et avec calme, il descendit dans son dernier repos.

Quand la nouvelle se répandit dans la ville, le deuil fut public'. Les

1 Allan Cunningham. Life of Burns, p. 125.

- Memoranda of M^'i Burns, recueillis par M Mac Diarmid.

3 To James Armour. 18to July n96.

■^ Currie. Life of Burns, p. 52.

^ Memoranda of M^^ Burns, recueillis par M' Mac Diarmid.

6 R. Charniers, tom IV, p. 210.

' Currie. Life of Burns, p. 58.