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compose, un visage vermeil, tout riant de couleurs fraîches et vives, des cheveux fins et châtains, un sourire oii éclate la hlancheur des dents. Mais, le refrain est: « ses deux yeux brillants et malicieux », comme s'ils étaient en effet le trait principal de cette physionomie mobile, ouverte et charmante de gaîté. Avec cela une grâce spirituelle faite d'en- jouement et de malice.

Ses lèvres sont comme ces cerises mûres ,

Que des murailles ensoleillées protègent de Borée ;

Elles tentent le goût et charment la vue ;

Et elle a deux yeux brillants et malicieux.

Sa voix est comme le merle, le soir,

Qui chante sur les bords du Cessnock, invisible.

Tandis que sa compagne est nichée dans le buisson ;

Et elle a deux yeux brillants et malicieux.

Mais ce n'est pas sou air, sa forme, son visage,

Bien qu'elle égale la reine fabuleuse de la beauté ;

C'est l'esprit qui brille dans ses grâces,

Et surtout dans ses yeux malicieux i.

Il fallait qu'elle eût quelque chose de véritablement distingué , puisque plus tard, après avoir beaucoup admiré et comparé les plus séduisantes dames d'Edimbourg, il avouait que, de toutes les femmes qu'il avait connues, c'était celle qui aurait fait dans sa vie la plus agréable compagne 2. Telle était la femme que Biirns demandait en mariage. S'il avait été accepté, sa vie aurait peut-être pris une voie normale. Sans doute, la fougue y serait restée et, par elle, il était difficile que les fautes n'y pénétrassent pas ; mais il est problable que le désarroi ne s'y serait pas mis. Peut-être son exubérance de vie et sa vigueur d'esprit se seraient-elles tournées vers d'autres directions et son bonheur y eùt-il gagné aux dépens de sa gloire. Ce n'était pas sa destinée.

Outre l'influence qu'elle aurait pu avoir sur sa vie, sa courte liaison avec Ellison Begbie est intéressante parce qu'elle a produit une corres- pondance, qui comprend les premiers spécimens de prose que nous ayons de lui. Ce sont quatre lettres seulement, mais bien curieuses. Au point de vue littéraire, elles sont caractéristiques. On y sent une affectation de correction, une recherche d'élégance, la prétention épisto- laire qu'il gardera pendant toute sa vie et qu'il devait au recueil de lettres que le hasard avait mêlé à ses premières lectures. Les pensées s'y font graves et compassées, les phrases s'y succèdent achevées et correctes.

1 On Cessnock Banks.

2 Chambers, tome I, p. 48.