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ceux qui en souffrent, faire partie de la supériorité de celui qui les com- met. On l'excusait parce que c'était lui et qu'il n'était pas comme les autres. Si Gilbert en avait fait la moitié, il aurait vite vu la différence. On passait tout à Robert. C'était donc, en résumé, une vie de fermier qui n'était pas sans dignité, mais qui déroulait, à travers les saisons, ses labeurs et ses fatigues : le labour, les semailles, le hersage, la moisson, le battage dans la grange. Elle avait aussi ses fêtes, les rentrées de récolte en été, et en hiver les veillées qu'il devait chanter dans sa fameuse pièce de la Toussaint.

Aces occupations s'ajoutaient des visites fréquentes à Mauchline, car il était toujours le sel et le pétillement de toutes les réunions ; des cau- series avec des hommes comme Gavin Ilamilton ou le D Mackenzie ; des descentes à Tarbolton oii était la loge maçonnique à laquelle il con- tinuait d'appartenir. Tout cela n'allait pas sans séances prolongées au cabaret, surtout les soirs de Tarbolton. La franc-maçonnerie, même du rite écossais, aimait alors le choc des verres. Gilbert dit que l'initiation de Robert avait été son introduction à la vie de joyeux compagnon K II ajoute néanmoins que, pendant tout le séjour à Lochlea et presque jusqu'à la fin du séjour à Mauchline, il ne vit jamais son frère pris de boisson. « Malgré ces circonstances et l'éloge qu'il a fait du breuvage écossais, — lequel semble avoir trompé ses historiens — je ne me raj)pelle pas pendant ces sept années, ni jusqu'à la fin de la période où il commença à devenir auteur , quand sa célébrité grandissante le jeta en de fréquentes sociétés, l'avoir jamais vu en état d'ivresse ; il n'était nullement adonné à la boisson *.» Celte attestation fraternelle est, sans doute, vraie en gros; mais il y a grand espace entre une habitude d'ivrognerie et des excès passagers. Il est difficile, quand on connaît les mœurs des paysans écos- sais de ce temps, de ne pas admettre que Burns y était entraîné. Si cela ne lui est pas arrivé, ses pièces sur le whiskey seraient une exception unique dans son œuvre et les seules qui n'auraient pas pour support quelque réalité dans sa vie.

C'est donc sur cette routine que se sont superposés les événements qui ont marqué le séjour de Burns à Mauchline. Quoiqu'ils s'offrent comme un tout lumineux et orageux à la fois, oii les tristesses et les clartés se mêlant éclatent les unes dans les autres, étrange jeu de toutes les humeurs de la destinée, il faut cependant en dégager les divers éléments sans oublier qu'ils agissent simultanément les uns sur les autres. Il sont au nombre de trois : sa lutte contre le clergé local, le développement de sa vocation et de sa production littéraire et une série de drames d'amour dont les conséquences pèseront sur toute sa vie.

1 Gilbert Burns. Nanalive.