Aller au contenu

Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- 108 -

major Logan qui joue du violon, dont « le coude marche et se trémousse ^ ,» « la face latine de Gregory ^ », « Creech le libraire », « un petit homme, droit, vif, aigre trottinant-^ »,

Qui regarde avec amour sa petite ombre leste dans les rues Plutôt que la plus jolie femme qu'il rencontre 3.

Que d'autres portraits encore tracés d'un trait, des noms accompagnés d'une seule épithète parfois, mais si expressive et si juste qu'une personnalité s'en dégage et ne s'oublie plus. Cela fait penser aux personnages si joliment évoqués par Chaucer, d'un seul mot, dans le prologue de ses contes de Canterbury.

II

l'humour de burns.

Avec ces qualités, Burns a été un humoriste. Tous les critiques qui l'ont étudié le reconnaissent ; l'un d'eux a même déclaré que c'était le meilleur des poètes humoristes *. Essayons de bien marquer le genre d'humour qu'il a possédé.

Il est téméraire, sans doute, de tenter une fois de plus de préciser l'hu- mour ^, et de reprendre un mot fatigué vainement par tant de définitions. Chacune des formules dont on l'a marqué ne s'applique qu'à un point, et l'idée, couverte d'empreintes, dépasse chacune d'elles et n'est pas même comprise par elles toutes. Elle ressemble à ces troncs d'arbre que des acheteurs successifs ont frappé de leur fer, et qui néanmoins ne por- tent que ça et là une lettre. Si l'on dit, avec M. Taine, que l'humour est quelque chose d'acre, d'amer, de sombre, « la plaisanterie d'un homme qui en plaisantant garde une mine grave », d'un homme « qui est rare- ment bienveillant et n'est jamais heureux ^ » , on définit l'humour de Swift, de Carlyle ou de Thackeray, bien que ce dernier, pour son compte, ait décrit l'humoriste comme un homme plein de pitié et de tendresse'.

1 Epistle to Major Logan.

2 Epistle to William Creech.

3 Sketch of a Characler.

i Roberl-Louis Stevenson. Fainiliar studies of Men and Books, l'essai intitulé : Some aspects of Robert Burns, p. 88.

^ Shaftesbury dit finement : « Décrire la vraie raillerie serait une chose aussi difficile, et peut-être aussi inutile, que de définir la bonne éducation. Personne ne peut comprendre les spéculations sur ces choses, en dehors de ceux qui en ont la pratique. Cependant chacun se croit bien élevé ; et le pédant le plus roide s'imagine qu'il peut railler avec bonne grâce et humour ». Characteristics of men, manners, opinions, tiines, l'essai intitulé : an Essay on the Freedom of Wit and Humor.

6 Taine. Notes sur l'Angleterre, p. 344.

■î Thackeray. English Humourists. Swift.