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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/170

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quelque temps pour examiner et pénétrer son sujet, sinon, il préfère y renoncer : « Vu une course de chevaux et fait visite à un ami de Nicol, un bailli Cowan dont je connais trop peu de chose pour essayer son portrait ' ». Quelquefois il ne sait à quoi se prendre pour fixer un caractère, « Dîne avec le prévôt Fall, un marchand notable et un person- nage très respectable, mais qu'on ne peut décrire, parce qu'il n'offre pas de traits marqués ^ ». Le déchiffrement si difficile des hommes avait été chez lui une occupation constante, et était devenue une habitude. Partout oii il allait, il notait les âmes, comme d'autres prennent des paysages ou des récits.

Afin d'arriver au fond de chaque homme, il avait vu qu'il faut le dépouiller des titres, des honneurs, des richesses, de tout ce qui le cache et recouvre, écarter tout l'attirail étranger, pour pénétrer jusqu'à lui et, selon le mot de La Bruyère, « le voir sans ce grand nombre de coquins qui le servent et ces six bêtes qui le traînent ^ ». Il s'était, du premier coup, attaché à cette méthode, plus difficile, pour dire vrai, à appliquer qu'à découvrir. Il se piquait d'y avoir réussi: «J'estime les différents acieurs dans le grand drame de la vie, uniquement d'après la façon dont ils remplissent leur rôle. Je peux regarder un duc qui n'est qu'un misé- rable avec un mépris sans restriction, et je puis considérer un honnête balayeur de rues avec un sincère respect*. » Il aurait dit avec Montaigne: « Il ne faut pas estimer un homme tout enveloppé et empaqueté ; qu'il se présente en chemise ^ ». Il n'y avait pas de qualité qu'il estimât davantage chez les autres que cette poigne du coup d'œil qui saisit un individu, le déshabille et l'expose tel qu'il est. Il admirait beaucoup Dugald Stewart, et il y avait, chez cet homme aimable et sage, un grand nombre de qualités également admirables. Mais d'elles toutes, c'est celle-ci qu'il retire toujours et qu'il place en avant : « Des choses extérieures, des choses totalement étrangères à l'homme, se glissent dans le cœur et les juge- ments de presque tous les hommes, sinon de tous. Je ne sais qu'un seul exemple d'un homme qui considère pleinement et vraiment « le monde entier comme un théâtre et tous les hommes et les femmes comme de simples acteurs ^ », et qui n'estime ces acteurs, les dramatis personœ,q\iiU édifient des cités ou qu'ils plantent des haies, qu'ils gouvernent des personnes ou surveillent des troupeaux, que selon qu'ils remplissent leurs rôles'.» Il y revient à plusieurs reprises^. On comprend cet enthousiasme.

1 Highland Tour. Saturday 25tii Aug 1787.

2 Border Tour, 20tii May HS'T.

3 La Bruyère. Du Mérite Personnel.

i To Charles S harpe, 220(1 April 1791. ^ Montaigne, Livre I, chap. XLii. 6 Shakspeare. As You Like il. Acte ii, scène 5. "' To .W* Dunlop, 4tii Nov. 1787.

8 Voir le portrait de Dugald Stewart dans ÏEdinburgh Journal, et encore dans la lettre to Francis Grose, 1790 (lettre n" 1).