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Avec un tour, un conte toujours prêts,

Nous errons çà et là, le jour ;

Et la nuit, en étable ou grange.

Caressons nos femmes sur le foin.

Une figue, etc.

Le carosse, suivi de laquais,

Va-t-il plus léger, à travers pays ?

Le sobre lit du mariage

Voit-il de plus brillantes scènes d'amour?

Une figue, etc.

La vie est un tohu-bohu.

Nous ne regardons pas comment elle marche ;

Que ceux-là parlent du décorum,

Qui ont une renommée à perdre.

Une flgue, etc.

Voici aux sacs, bissacs, et besaces 1

Voici à toute la bande errante I

A nos marmots, à nos femmes en loques !

Chacun et tous, criez : « Amen 1 »

Refrain. — Une figue pour ceux protégés par la loi, La Liberté est un glorieux banquet ! Les tribunaux furent érigés pour les lâches, Les églises bâties pour plaire aux prêtres '.

Telle est cette pièce, étonnante de couleur et de verve. C'est une chose assez curieuse qu'un certain nombre de critiques écossais hésitent devant elle. M. Shairp dit que « la matière en est si vile et le sentiment si grossier que, en dépit de sa puissance dramatique, ils rendent la pièce décidément répugnante ^ ». Le jugement de Carlyle, plus large, n'est pas sans quelques réticences. « Peut-être pouvons-nous nous aventurer à dire que le plus poétique de tous ses poèmes est celui qui a été imprimé sous l'humble titre des Joyeux Mendiants. A la mérité, le sujet est parmi les plus bas que présente la nature, mais cela montre d'autant plus le don du poète qui a su l'élever dans le domaine de l'art. A notre esprit, cette pièce semble tout à fait compacte, fondue ensemble, achevée et déversée en un flot de vraie harmonie liquide. Elle est légère, aérienne, douce de

1 II y a dans Cervantes sur la vie des gueux espagnols, des gitanos, un passage qui fait penser à la fin de la pièce de Burns. i. Notre vie est agile, libre, curieuse, large, fainéante ; rien ne lui inanque, nous savons tout trouver ou mendier. La terre nous donne un lit do gazon ; le ciel une tente ; le soleil ne nous brûle pas ; le froid ne saurait nous atteindre. Le verger le mieux clos nous offre ses primeurs. A peine voit-on paraître l'alvilla et le muscat, nous l'avons sous la main, nous autres audacieux gitanos, avides du bien d'autrui, pleins d'esprit et d'adresse, prestes, déliés, et bien portants. Nous jouissons de nos amours, libres de tous soucis de rivalité, nous nous chauflbns à ce feu sans crainte, ni jalousie. ^ Cervantes. Tliédtre. Pedro de Urde Malas, i'" journée. (Traduction de Alphonse Royer.)

2 Shairp. Burns, page 201.