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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/211

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s'écrie , avec la simplicité sincère et l'accent personnel dont son élo- quence est faite :

Je ne voudrais pas avoir un esclave pour bêcher ma terre,

Pour me porter, pour ra'éventer quand je dors,

Et trembler quand je me réveille, pour toute la richesse

Que les muscles achetés et vendus ont jamais gagnée!

Non, toute chère que m'est la liberté, et bien que mon cœur,

En une juste estimation, la prise au-dessus de tout prix,

Jaimerais beaucoup mieux être moi-même l'esclave

Et porter les chaînes, que de les attacher sur lui i.

Bien que ces vers aient précédé de cinq ans les premiers efforts de Wilberforce 2, l'infamie de l'esclavage était trop flagrante pour qu'on s'étonne qu'un cœur chrétien en ait été révolté. Mais Cowper alla plus loin. Il avait un sens plus précis des injustices, qui déshonorent la terre sous des formes plus acceptées. Dès 1783, il avait écrit le passage célèbre oii il souhaitait et prévoyait la chute de la Bastille. Ce sont des vers importants dans l'histoire de la littérature anglaise. Ils marquent le commencement de cette poésie politique qui s'est développée, en devenant de plus en plus républicaine, à travers les œuvres de Wordsworth, de Coleridge et de Shelley, et se continue aujourd'hui, avec un caractère démocratique et socialiste, dans les œuvres de Swinburne.

Une honte pour l'humanité, et un opprobre plus grand

Pour la France que toutes ses pertes et ses défaites,

Anciennes ou de date récente, sur terre ou sur mer,

Est sa maison d'esclavage, pire que celle pour laquelle jadis

Dieu châtia Pharaon, — la Bastille !

Horribles tours, demeure de cœurs brisés ,

Donjons, et vous, cages de désespoir,

Que les rois ont remplis, de siècle en siècle.

D'une musique qui plaît à leurs oreilles royales,

Des soupirs et des gémissements d'hommes malheureux,

Il n'y a pas un cœur anglais qui ne bondisse de joie

• Cowper. The Task. The Time-Piece, v. 29-36.

2 C'est en 1788 que Wilberforce commença sa grande lutte pour l'abolition de l'escla- vage, en 1789, qu'il proposa cette mesure a la Chambre des Communes où il ren outra une opposition formidable. L'émotion fut grande à Londres ; Wordsworth l'avait partagée. Il dit au livre x de son Prélude :

Il me plut davantage

De demeurer dans la grande Cité, où je trouvai

L'air général encore troublé de l'agitation

De ce premier assaut mémorable tenté

Par une puissante levée de l'humanité

Contre les trafiquants de sang nègre ;

Effort qui, bien que vaincu, avait rappelé

Aux esprits de vieux principes oubliés.

Et, à travers la nation, répandu une chaleur nouvelle.

De sentiments vertueux.