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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/229

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plus près de terre. C'est plutôt l'expression d'un sentiment personnel, et il s'y glisse en même temps de la colère et de la rancune.

Sans cet arbre, hélas, cette vie

N'est qu'une vallée de chagrin, homme.

Une scène de douleur mêlée de labeur ;

Les vraies joies nous sont inconnues, homme,

Nous peinons tôt, nous peinons tard,

Pour nourrir un gredin libre, homme.

Et tout le bonheur que nous aurons jamais

Est celui au-delà de la tombe, homme !

Avec beaucoup de ces arbres, je crois,

Le monde vivrait en paix, homme ;

L'épée servirait à faire une charrue ,

Le bruit de la guerre cesserait, homme ;

Comme des frères en une cause commune,

Nous serions souriants l'un pour l'autre, homme.

Et des droits égaux et des lois égales

Réjouiraient toutes les îles, homme I

Malheur au vaurien qui ne voudrait pas manger Cette nourriture délicate et saine, homme ;

Je donnerais mes souliers de mes pieds

Pour goûter ce fruit, je le jure, homme.

Prions donc que la vieille Angleterre puisse

Planter fernle cet arbre fameux, homme.

Et joyeusement nous chanterons et saluerons le jour

Qui nous donne la liberté, homme ! ^

Il est inutile de faire remarquer que tous les sentiments que nous avons tracés dans Wordsworth et dans Coleridge sont représentés ici. C'était encore un cœur anglais qui tressaillait à la chute de la Bastille et la prédiction de Cowper se réalisait une fois de plus. Mais de quelle joie différente ! Ceci est vraiment une chanson révolutionnaire. Par pure sym- pathie populaire, Burns rendait de bien plus près l'accent de la populace, lancée effrénement dans le soupçon, la cruauté et l'audace. Une sorte d'instinct lui avait fourni, du premier coup, ce ton fait de vulgarité éner- gique, de défi héroïque, et de cynisme goguenard. Cette pièce a effrayé plusieurs des éditeurs de Burns. Quelques-uns ont essayé de nier qu'il en fût l'auteur , malgré l'existence du manuscrit. Ils ont invoqué je ne sais quelle évidence intérieure qui suffirait, au contraire, à faire attribuer ces versa Burns. Lui seul était capable de l'écrire. On y reconnaît la façon qui lui était familière de dresser une idée abstraite dans une image, et de la développer eu suivant tous les détails de l'image. C'est le procédé qu'il emploie dans presque toutes ses satires. C'est bien aussi son tour de

^ The trce of Liberty.