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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/233

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« Quand il faut que je me blottisse dans un coin, de peur que l'équipage bruyant de quelque lourd inibt^cile m'cerase dans la boue, je suis lenti de m'c^crier : « Quels iniMiles a-t-il eu», ou quels démentes ai-je eus, dans une existence antérieure, pour quil soit introduit dans cette exislence-ci aveu le sceptre du pouvoir et les clefs de la richesse dans sa main chétive, tandis que moi, j ai été lancé d'un coup de pied dans le monde, pour être le jouet de la folie ou la victime de Torgueil.! « 

On reconnaît l'Iiomnie ^\m marche par les rues avec une sourde irritation contre ce luxe qui l'éclaboussé. Voici encore le même sentiment avec plus d'àpreté. C'est le geste de colère et le mot brutal qu'on voit et qu'on entend parfois, sur le bord d'un trottoir.

« Hélas ! mallieur à la fepinie sans appui ! la prostituée besogneuse qui a grelotté au coin de la rue, attendant pour gagner les gages d'une prostitution de hasard ; elle est abandonnée, méprisée, insultée, écrasée sous les roues du carrosse de la catin titrée, ([ui se précipite à un rendez-vous coupable, elle (jui, sans pouvoir plaider la même nécessité, se vautre toutes les nuits dans le même commerce coupable.^ "

Ne croirait-on pas entendre une de ces apostrophes haineuses de Jacques Vingtras ?

Cet état de colère se trahit à la moindre occasion, s'exprime par des invectives contre les nobles et contre les riches. Elles jaillissent de toutes parts dans ses œuvres, lancées avec une singulière violence de mépris et d'insulte. Il faut dire que l'aristocratie du xv/if siècle, surtout l'aristo- cratie moyenne, ne justifiait que trop souvent ces attaques. Ignorante, grossière, livrée pesamment à l'ivrognerie et au vice, elle imitait, en l'alourdissant encore, l'épaisse débauche dont les deux premiers Georges avaient donné l'exemple. Elle y ajoutait une sorte de brutalité et d'arro- gance due au tempérament anglais. Les romanciers ont laissé maints portraits de ces nobles, et les Squire Western n'étaient pas rares. Avec cela, les anciens di'oits seigneuriaux restaient entiers, incontestés, exercés dans toute leur dureté. Pour fournir de l'argent aux dépenses des maîtres, les intendants étaient impitoyables, pressuraient, la menace à la bouche. Aussi, toutes les fois que Burns parle des nobles, sa voix prend un ton de haine, et la colère lui passe dans les yeux. Ses allusions à l'aristocratie sont une satire et une injure continuelles. Sa pièce des De%ix Chiens, une de ses premières, où il fait causer un chien de berger avec un chien de Terre-Neuve qui porte le collier de cuivre d'un propriétaire, n'est qu'une diatribe où il oppose le sort des riches à celui des pauvres. Quel contraste ! Le seigneur terrien accumule ses lourdes rentes, ses droits de charbonnages, ses dîmes, ses redevances ; il se lève quand il lui plaît ; ses laquais répondent à son coup de cloche ; il appelle sa voiture, il

1 To M'» Dunlop, 4tii March n89.

2 To Peter Hill. Jan. Hth, ngi.

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