Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- 215 -

labeurs humains avec cette arrière-pensée. Il l'avait exprimé dans une image vraiment belle. On voit s'étendre la vaste plaine sur laquelle pèse cette malédiction ; un soleil morne et qui ne ramène que des douleurs l'éclairé. La terre a une teinte funèbre ; un gémissement universel sort des choses. Cela fait pensera certaines images de Lamennais, grandioses et d'un coloris tragique.

Le soleil, suspendu au-dessus de ces moors

Qui s'étendent profonds et larges,

Où des centaines d'hommes peinent pour soutenir

L'orgueil d'un maître iiautain,

Je l'ai vu ce las soleil d'hiver,

Deux fois quarante ans, revenir;

Et chaque fois m'a donné des preuves

Que l'homme fut créé pour gémir '.

Et un peu plus loin, la même idée est reprise, mais accompagnée cette fois d'un commentaire , d'une interrogation impatiente et presque menaçante.

Vois ce malheureux surmené de labeur.

Si abject, bas et vil.

Qui demande à son frère, fait de terre comme lui,

De lui i)ermetlre de peiner.

Et vois ce ver de terre altier, son compagnon.

Dédaigner la pauvre prière,

Insoucieux qu'une femme en pleurs

Et des enfants sans soutien gémissent

Si j'ai été marqué comme l'esclave de ce seigneur.

Marqué par la loi de la nature.

Pourquoi un souhait d'indépendance

^ Fut-il planté dans mon âme ?

Sinon , pourquoi suis-je soumis

A sa cruauté ou son dédain?

Ou pourquoi l'homme a-t-il la volonté et le pouvoir

De faire gémir son semblable ?i

Ce n'étaient là encore que des indices éparpillés dans ses œuvres, des fragments de roc perçant le sol çà et là et laissant deviner ce qu'il recou- vrait. Ces sorties arrivaient au gré de son humeur. Elles contenaient de tout, du bon et du mauvais, une part de justice et de vérité, parfois aussi de l'orgueil, de la jalousie, des préjugés, des jugements irréfléchis.

Quand les événements de la Révolution française tournèrent davan- tage les esprits de ce côté, ces éléments un peu mélangés se coordonnèrent dans le sien. Ce qu'il y avait de trop personnel et de purement agressif s'épura, au souffle de grands principes qui flottait dans l'air et y formait

' Man luas made to Mourn.