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Ni de la fleur qui est comme ta face, la pâle primevère,

Ni de la jacinthe azurée comme tes veines, ni non plus

De la feuille de l'églantine qui, pour ne pas la calomnier,

N'était pas plus douce que ton haleine. *

Qu'on se représente l'amas, les brassées de fleurs, sous lesquelles Milton fait disparaître le cercueil de son ami Lycidas : la hâtive perce-neige, la jacinthe, le pâle jasmin, l'œillet blanc, la pensée striée de jais, la violette, la rose moussue, le chèvrefeuille, et la pâle primevère qui penche sa tête pensive, et toutes les fleurs que portent les broderies du deuil-. Qu'on pense au plus surprenant poème qui jamais ait été écrit sur les fleurs, à cette admirable et touchante Sensitive de Shelley, avec sa galerie de fleurs, dont l'expression est rendue comme en une suite de pastels féminins, et dont les âmes délicates sont devinées et pénétrées comme par la sympathie d'un Ariel ^. Et Wordsworth ! Et tant d'autres : Herrick, Tennyson, Browning ! Si on plantait sur la tombe de chaque poète anglais un seul pied de chacune des plantes qu'il a chantées, ils dormiraient tous sous des floraisons épaisses, et le parfum du printemps en serait augmenté.

Naturellement, les poètes ont fait usage de leurs connaissances florales pour en tirer des images. Les femmes ont été, par eux, comparées aux fleurs, de mille manières ingénieuses. On comprend que, s'il est un point difficile à rajeunir, ce soit celui-là. Les poètes contemporains s'en tirent en reportant leurs similitudes sur des fleurs rares et tropicales. Burns n'avait pas cette ressource. Cependant, ses petites offrandes de fleurs familières resteront parmi tant d'autres. Elles n'ont ni la variété, ni les luxuriances de coloris de certaines gerbées, mais elles sont si simples et si fraîches ! Ce ne sont pas des bouquets assortis aux beautés fières et fastueuses de grandes dames. Les siens sont cueillis « en un champ voisin », et faits pour des corsages de paysannes simples et fraîches comme eux.

Oh ! l'amour s'aventurera Là oii il n'aimerait pas être vu :

Ohl l'amour s'aventurera

Où la prudence était naguère ;

Mais J'irai par cette rivière,

El parmi ces bois si verts ,

Et j'y formerai un bouquet

Pour ma très chérie May.

Je cueillerai la primevère, Première mignonne de l'année ;

1 Cymheliniu Act. iv, scène 2.

2 Milton. Lycidas, vers 140-48.

3 Shelley. The Sensitive Plant, voir surtout les strophes de la i et m parties.