Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 252 —

Il a repris maints des sujets et des comparaisons ordinaires parmi les poètes, mais avec le coloris, l'éclat d'épithètes, une sorte de sensualité de couleur, qui frappent dans nos poètes de la Renaissance. Il a, comme eux, cette qualité que les mots tels que : rosée, rose, mai, qui pour nous sont un peu usés, ont l'air d'être neufs chez lui. Il semble comme eux les avoir employés avec joie, nouveauté et naïveté. Ils ont gardé tout leur lustre matinal. Les deux pièces qui suivent n'ont-elles pas la teinte riche et pourprée de certaines pièces de Ronsard? Elles ont été composées toutes deux pour Miss Cruikshank, la fille de son ami d'Edimbourg, presque une enfant, comme celle que Ronsard appelait « fleur angevine de quinze ans * ». Ce sont ces pièces qu'un critique appelle : « the rosebud pièces to Miss Cruikshank ». Elles ne sont que l'idée, exprimée avec des qualités semblables, dans ces vers des Amours :

Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose

En sa belle jeunesse, en sa première fleur,

Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,

Quand l'aube, de ses pleurs, au poinct du jour l'arrose,

La Grâce dans sa feuille et l'Amour se repose,

Embasmant les jardins et les arbres d'odeur 2.

Comme eux, elles valent surtout par le coloris des mots.

Beau bouton de rose, jeune et brillant,

Fleurissant dans ton prime Mai,

Puisse-tu ne jamais, douce fleur,

Frissonner dans la froide averse l

Que jamais le froid passage de Borée,

Que jamais le souffle empoisonné de l'Eurus,

' Que jamais les funestes lumières stellaires

Ne le louchent d'une nielle précoce !

Que jamais, jamais le ver perfide

Ne se nourrisse de ta fleur virginale 1

Que le soleil lui-même ne regarde pas trop ardemment,

Ton sein rougissant dans la rosée.

Puisses-tu longtemps, douce perle cramoisie,

Richement parer ta tige native ;

Jusqu'à ce qu'un soir doux et calme.

Distillant la rosée, exhalant le baume,

Tandis que les bois d'alentour résonneront

Des oiseaux qui chanteront ton requiem.

Au son de leur chant funèbre,

Tu épandes autour de toi tes beautés mourantes.

Et rendes à la terre, ta mère,

La plus adorable forme qu'elle ait jamais produite 3.

1 Ronsard. Les Amours, Marie.

2 Ronsard. Les Amours, Marie.

3 To Miss Cruikshank, Written on the Blank Leaf of a Book, presenied to her by the Author.