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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/366

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va plus loin. Un de ses agneaux est un jeune bélier, et quelle est la mère qui, sans le dire, ne prévoit pas les dangers auxquels son fils peut être exposé ? Dieu sait les tentations qui attendent la jeunesse ! Mailie, qui est une brebis d'expérience, les prévoit, hélas ! et elle en parle aussi clairement que la décence le lui permet.

Mon pauvre petit bélier, mon fils et mon héritier,

Oh ! dites au maître de l'élever avec soin,

Et s'il vit pour devenir un mâle,

De lui enseigner les bonnes façons,

Et de l'avertir de ce que je uc saurais dire,

D'être content des brebis de la maison,

Et de ne pas courir et porter partout son tablier

Comme les autres chenapans perdus et dévergondés i.

Et sa pauvre, fillette si tendre et si innocente, l'oubliera-t-elle ! N'esl- elle pas plus frêle encore et plus difficile à protéger que le jeune garçon, qui, après tout, rapportera toujours ses cornes à l'étable.

Et toi, ma pauvre petite agnelle,

Dieu te garde d'une longe et d'une corde !

Oh ! puisses-lu ne jamais te mésallier

Avec un de ces méchants béliers des moors;

Mais pense toujours à l'associer et à t'unir

Avec un mouton respectable comme toi i.

Elle expire en leur donnant sa bénédiction.

Et maintenant, mes chéris, avec mon dernier soupir. Je vous laisse ma bénédiction à tous deux,

Et quand vous penserez à votre mère, Rappelez-vous d'être bons l'un pour l'autre '.

C'est un bon conseil. Des lèvres humaines ne le donneraient pas plus touchant; mais, pour conserver l'accompagnement de raillerie qui fredonne au-dessous de cette émotion, la pauvre Mailie promet à Hughoc que, s'il rapporte tout au maître et lui dit de brûler cette longe maudite, elle lui lègue pour sa peine, sa vessie. Carlyle, avec raison, admirait beaucoup cette pièce ^. L'attendrissement y joue avec une bonne humeur qui le ramène à ses proportions et lui permet d'être plus sincère. 11 y a vis-à-vis de certaines choses des émotions qu'il faut envelopper d'un peu d'ironie, pour payer le droit de les avoir.

Comme si ce n'était pas assez de ce morceau pour immortaliser Mailie, Burns y avait ajouté une élégie, l'oraison funèbre de cette pauvre bête désormais plus glorieuse que bien des p<isteurs de peuples. On reconnaîtra

1 The Death and Dying Woids of Poor Mailie. '

2 Carlyle. Essay on Burns.