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Voyez ! du fourré, le faisan s'envole avec un bruissomeni,

Et monte joyeux sur ses ailes triomphantes,

Courte est sa joie ; il sent la brûlante blessure.

Voleté dans le sang et palpitant bat le sol

Ah ! que lui servent ses teintes lustrées et chatoyantes,

Sa crête de pourpre, ses yeux cerclés d'écarlate ,

Le vert si vif déployé sur ses plumes ,

Ses ailes |)einles et sa poitrine flamboyante d'or ? •

Rien de plus, pas un mot de compassion. Tout d'un coup, la tendresse du mélancolique Jacques reparaît en même temps dans les deux poètes, à des degrés différents. Quel autre accent il y a déjà dans Cowper.

Détestable jeu

Qui doit ses plaisirs à la douleur d'un autre ,

Qui se nourrit des sanglots et des gémissements mortels

D'innocentes créatures, muettes, et pourtant douées

De l'éloquence que les agonies inspirent,

Celle des larmes silencieuses et des soupirs qui déchirent l'âme 2.

Cette malédiction dans laquelle passe de la colère, phénomène rare dans cette âme bénigne, est reprise plus vigoureusement encore par Burns. Chez Cowper, cette aversion de la chasse est un peu la délicatesse et la timidité physiques ; chez lui, elle n'a pas cette faiblesse de nerfs. Elle est virile et toute en charité. Elle paraît de tous côtés, dans le passage des Deux Ponts d'Ayr cité plus haut, et dans maints endroits de ses chansons. Même quand il se promène avec Peggy, au moment où les vents d'ouest et les fusils meurtriers ramènent le plaisant temps d'automne, voyant les oiseaux se réjouir, il s'écrie :

Aussi chaque espèce cherche son plaisir,

Les sauvages et les tendres,

Les uns se joignent en société et s'unissent en ligues,

D'autres errent solitaires.

Au loin, au loin, le cruel empire,

La domination tyrannique de l'homme;

La joie du chasseur, le cri meurtrier,

L'aile palpitante et sanglante 3.

Cette pensée lui gâte la beauté de la scène. Voir souffrir le jette hors de lui. Lorsque ses regards tombent sur les couvées blessées, pères, mères, petits, gisantes en un même carnage , il exècre « l'acte sauvage de l'homme * ».

C'est à un mouvement de colère de ce genre qu'est dû son poème sur

1 Pope. Windsor Foresi, vers 111-118.

2 Cowijer. The Garden, vers 326-331. Voir encore, dans the Winter Walk al Noon, un autre très beau passage sur la chasse, vers 386-96.

3 Peggy.

  • The Brigs of Ayr. Voir aussi les vers On Scaring some Water-Fowl on Loch Turrit.