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Le Lièvre blessé. « Un de ces derniers matins, comme j'étais d'assez bonne heure dans les champs à semer du gazon, j'entendis un coup de fusil sortir d'une plantation voisine, et je vis presque aussitôt un pauvre petit lièvre blessé passer près de moi en boitant. Vous devinez mon indignation contre l'individu inhumain capable de tirer sur un lièvre en cette saison, quand ils ont tous des jeunes. En vérité il y a, dans cette façon de tuer, pour notre amusement, des individus de la création animale qui ne nous font pas de tort sensible, quelque chose que je ne puis réconcilier avec mon idée de la vertu ^ ». Il écrivit sous le coup de cette impression, le petit poème qui suit :

Homme inhumain ! maudile soit ton adresse barbare , Que ton œil qui vise au meurtre se dessèclie ! Puisse la pitié ne jamais le consoler d'un soupir ! Les plaisirs ne jamais réjouir ton cœur méchant !

Va vivre, pauvre coureur des bois et des champs ,

Ton petit reste amer de vie :

Les fougères épaisses et les plaines verdissantes

N'ont plus pour toi, ni refuge, ni nourriture, ni jeux.

Va, malheureux meurtri, vers quelque endroit de repos habituel , Cherche, non plus le repos, mais un lit pour mourir ! Les roseaux protecteurs bruiront au-dessus de toi, Et ta poitrine saignante pressera la terre froide.

Peut-être l'angoisse d'une mère s'ajoute à ta souffrance,

Tes deux petits jouent, se pressent aviiiemenl à ton flanc,

Oh ! orphelins dénués, qui maintenant leur donnera

Cette vie qu'une mère seule peut donner ?

Souvent quand pensif près des détours de la Nith j'attends

Le calme crépuscule ou que je salue la joyeuse aurore,

Je regretterai les jeux sur la rosée de la prairie ,

Je maudirai le bras de ce scélérat, je plaindrai ton infortune 2.

On sent la bouffée de colère et de pitié qui lui a i)rusquement passé dans l'âme. Son exaspération était si forte qu'il se mit â jurer après le pauvre diable de fermier qui avait tiré le coup de fusil, disant qu'il avait envie de le jeter à l'eau. « Et il était alors de taille à le faire, ajoutait celui-ci, bien que je fusse alors jeune et vigoureux. ^ »

Dans ces deux âmes de poètes , la sympathie , toujours en émoi , n'avait pas besoin d'être réveillée d'une secousse violente par l'aspect brutal de la chasse. Le sang répandu par des animaux familiers impres- sionne toujours. Il faut l'endurcissement de l'habitude pour voir achever

1 To Alex. Cunningham, 4tii May 1189.

2 Verses on Seeing a Wounded Hare limp by me which a Fellow hadj'usl shot.

3 Allan Cunningham. Life of Bums, p. 285.