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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/383

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Reconnaissons tout de suite que cette pièce est inférieure dans son ensemble à celle sur le nid de souris. Elle est moins touchante et moins parfaite. Les strophes de la lin, qui ont un intérêt dans l'histoire de Burus, car elles désignent évidemment Jane Armour, le poète lui-même et son père, la surchargent. Elles la font trop tourner à l'allégorie et lui donnent à première vue l'air d'un cadre littéraire. Il y a aussi, à l'antépénultième strophe, une comparaison maritime, inopportune et hors de proportions avec l'image qui devait à elle seule constituer la pièce. Elle en dérange l'unité et l'harmonie.

Mais, ces réserves faites, on peut admirer. Rien de plus joli n'a été écrit sur la pâquerette, et surtout, ce qu'il faut toujours relever dans Burns, rien de plus précis. Sa petite toilette simple, sans prétentions, à peine relevée d'un liseré rose en février et rouge en avril, est indiquée en deux mots. Son ariiitié avec l'alouette, qui la réveille en lui trempant la tète dans la rosée et lui annonce le matin, est d'une grâce mignarde. Et qui a mieux rendu la petite personnalité de la pâquerette? La modestie, la gaîté calme, la sagesse pratique de la vaillante fleurette , toujours d'égale humeur, qui s'accommode du moindre abri, fleurit par tous les temps et, avec son contentement et son humilité, ressemble à un sourire tranquille. Wordsworth dont elle était la favorite, et dont il se disait le poète :

Douce fleur qui, probablement auras un jour \ Ta place sur la tombe de ton poète i,

a écrit sur elle une suite de pièces '. Elles sont d'une belle rêverie, mais trop vague. Elles manquent de quelque chose d'exact, de réalité fami- lière. Les siennes sont des pâquerettes élégantes et idéales ; elles ont perdu leur ingénuité de petites paysannes. Les traits les plus précis semblent avoir été empruntés à Burns, comme lorsque la pâquerette est comparée à une jeune fille, dans sa simplicité, le jouet de toutes les tentations, ou lorsqu'elle est louée de trouver son abri sous tous les vents et d'être toujours « satisfaite, complaisante et douce ^ ». Seul, le vieux Chaucer en a parlé avec une fraîcheur égale. « Au delà de toutes les fleurs de la prairie, j'aime ces fleurs blanches et rouges * ». Il avait pour elle une si grande affection qu'il se levait pour aller la voir s'ouvrir au soleil.

Cette vue heureuse adoucit tout mon chagrin ; Si joyeux suis-je quand suis en présence

■1 Wordsworth. To thc Daisy, Epitaphs and Elegiac Pièces.

2 Dans les Poems of the Fancy : to the Daisy; to the Same Flower. — Dans les Poems of Sentiment and Reflection : to the Daisy. — Dans les Epitaphs and Elegiac Pièces : to the Daisy.

3 La i)ièce intitulée : to the Same Floiver, dans les Poems of the Fancy.

4 Chaucer. Prologue to the Legend of Good Women.