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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/385

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à son bien-étre, et ne pas désirer qu'il soit préservé des troupeaux qui broutent rudement ou du souffle meurtrier de l'est ? *

N'est-ce pas adorable de bienfaisance ? Kt la fin surtout n'est-elle pas exquise? Pour trouver l'équivalent de ces lignes charmantes, il faut se rappeler le Chant des Créatures du séraphique saint François d'Assise, qui ramassait les vers du chemin pour les mettre à l'abri des passants , et évitait qu'une goutte d'eau pure ne fût trépignée et souillée. Un écrivain de nos jours, qui a lui aussi le sens de la vie des choses au point qu'il serait capable de s'adresser au ver de saint François d'Assise avec une polie et délicate ironie, lui en décerne pour ce fait un haut éloge ^. Cette aménité pour les choses est peut-être moins surprenante chez un ascète mystique, dont la personnalité s'atténue dans l'uniformité et le rêve paci- fique du cloître, que chez ce paysan pratique; foulé par la vie, réagissant contre ses chocs en tensions de volonté, et malmené par ses propres passions. Un passage comme celui de Burns n'a de supérieur que cette parole admirable de la Bible : « il ne brisera pas le roseau cassé et n'éteindra pas la mèche qui fume encore ^ ».

Du reste, avec son habituelle clairvoyance intérieure, il se rendait compte que cette bonté était une partie de son génie. Dans son premier journal, il se dépeint à lui-même comme un homme « d'une bienveillance illimitée, envers toutes les créatures douées ou dénuées de raison * ». Et dans la Vision , la Muse lui dit comme un des signes à quoi elle l'a reconnu poète :

Quand la profonde terre au manteau vert Encourageait tendrement la naissance de chaque fleurette,

Que la joie et la musique se répandaient i

Dans chaque bocage, Je l'ai vu contempler le bonheur général, Avec une infinie tendresse ^ ,, .

Une attraction croissante rapproche l'homme de la nature. Il n'ai)pa- rait plus à l'écart et au-dessus d'elle. Les sciences immergent de |)lus en plus sa personnalité dans un océan de forces, où elle est roulée par le flot des mêmes lois ; elles tendent à la confondre dans une vie collective et, pour ainsi parler, dans une pulsation universelle. Le fond d'existence commun à toutes les espèces prend plus d'importance, monte presque jusqu'à la surface, ne laisse plus qu'une mince enveloppe de diversité, sous laquelle se devinent une origine semblable et une obscure fraternité.

1 To Miss Withelmina Alexandcr, 18tb Nov. n.-<(j.

- Renan. Nouvelles études d'Histoire Religieuse. François d'Assise.

3 Mathieu, chap. xu.

4 Common-place Book. « The Vision.