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tion est fausse en tant que conception de la Nature en soi, elle peut être une disposition, ou si l'on veut une superstition naturelle du cœur humain. Sans doute, la Nature ne perd pas son temps à nous écouter ; mais nous ne pouvons parfois nous empêcher de lui parler. Notre instinct de monologue se fait jour par là. Le fait est vrai psychologiquement. Il y a, dans une passion qui déforme ou supprime la réalité extérieure, une plus grande réalité passionnelle ; son erreur même démontre sa violence ; et il est naturel qu'un cœur qui déhorde s'épanche sur les choses ^ Toutefois, il faut noter qu'il ne s'agit plus alors de la Nature, mais de l'âme humaine. Aussi cette attitude ne suppose-t-elle aucun sentiment profond ou exact de la Nature. Elle n'en implique aucunement l'étude. Elle est très simple, très primitive, à la portée de tous. Elle a été commune parmi les anciens 2. Dans ce système, la Nature n'a pas d'existence morale. C'est une confidente qui écoute tout et ne dit rien. On n'y trouve jamais que des effusions humaines qui ne nous apprennent rien sur elle. Il n'en peut sortir ni joie, ni consolation, ni conseils, aucune influence, aucun baume.

On pourrait deviner presque à coup sûr, que Burns, à cause de sa faible préoccupation de la Nature et de sa débordante personnalité, a pratiqué celte première méthode d'humanisation. C'est en effet ce qui lui arrive constamment, il tombe dans la « pathetic fallacy », comme lors- qu'il recommande à la rivière Afton de couler doucement pour ne pas réveiller Mary ^ ou lorsqu'il dit :

Vous, rives et talus du joli Doon,

Comment pouvez-vous fleurir si fraîchement ?

Comment pouvez-vous chanter, petits oiseaux

Quand je suis si plein de souci ?i

' Il est curieux de voir "Wordsworth revendiquer pour le cœur humain le droit de se projeter en dehors et de s'emparer de ce qui l'entoure.

Les Poètes, dans leurs élégies et leurs chants

Où ils pleurent les disparus, demandent aux bosquets,

Demandent aux collines, aux ruisseaux de partager leur deuil,

Et aux insensibles rochers ; cela n'est pas vain, car ils parlent

Dans ces invocations, avec une voix

Qui obéit à la puissante force créatrice de la passion humaine. 11 y a des sympathies

Plus paisibles, et cependant de même race,

Qui pénètrent dans les esprits méditatifs

Et grandissent avec la réflexion. J'étais debout près de cette source

Et je regardai son onde, tant que nous parûmes ressentir

Une même tristesse, elle et moi. . . , etc.

The Excursion, Book i. Il parle d'une fontaine abandonnée, que des mains humaines activaient et faisaient courir, maintenant abandonnée et croupissante.

' 2 Voir les Elégies de Bion, et de Moschus, et celle de Virgile,

3 Voir la pièce, page 270.

4 The Banks of Doon.