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construite et chaque nouvelle impression la rend plus complète et plus noble. Elle prend les habitudes mêmes de la Nature. Elle devient sereine, calme, pleine de bonté, de pardon, d'indifférence aux petites choses, pleine de sérieux, de gravité, et d'un sentiment de respect religieux.

La Nature fait encore davantage. Elle enseigne également à l'homme ses devoirs envers ses semblables, ou plutôt elle le façonne également envers eux. C'est une des originalités de Wordsworth que d'avoir suspendu à l'élude de l'Univers sa sympathie pour l'homme. L'esprit, fait à ces contemplations sublimes, est rendu incapable de sentiments inférieurs et plus étroits. Il s'y senl^mal à l'aise, dans une atmosphère moins haute. Il est, au milieu de l'envie et de la haine, ainsi qu'un exilé. Le poète a marqué le lien qui rattache la bonté pour les autres à l'amour de la Nature dans le magnilique passage qui clôt le quatrième livre de l'Excursion, et peut-être que quelque chose de son éloquence peut se faire sentir même à travers notre prose. Pour lui , l'homme qui est en communion avec les formes de la Nature, qui ne connaît et n'aime que des objets qui n'excitent ni les passions morbides , ni l'inquiétude, ni la vengeance, ni la haine, cet homme doit forcément ressentir si profondément la joie de ce pur principe d'amour que rien de moins pur et de moins exquis ne saurait désormais le satisfaire. Malgré lui, il cherchera dans ses semblables les objets d'un amour et d'une joie pareils. Le résultat est que, par degrés, il s'aperçoit que ses sentiments d'aversion s'amoindrissent et s'adoucissent ; une tendresse sacrée envahit et habite son être. Il regarde autour de lui, cherchant le bien, et il trouve le bien qu'il cherche , jusqu'à ce que la haine et le mépris deviennent des choses qu'il ne connaît que de nom ; s'il entend sur d'autres bouches le langage qu'ils parlent, il est plein de compassion. Il n'a pas une pensée, pas un sentiment qui puisse subjuguer son amour. La Nature ne l'éloigné jamais de l'homme. Au milieu d'elle, il ne cesse pas d'entendre « la tranquille et triste musique de l'humanité ^ ». Quand il assiste au riant travail un jour de printemps, il ne peut se défendre d'avoir des pensers mélancoliques. Au milieu de la joie de tous les êtres, il ne cesse jamais de songer que l'homme seul, par ses souffrances, désobéit au dessein de bonheur universel.

Sur des touffes de primevères, dans ce petit bois, La petite pervenclie traînait ses guirlandes, Et c'est ma croyance que cliaque tleur Jouit de l'air qu'elle respire.

Les oiseaux autour de moi sautillaient et jouaient. Je ne puis mesurer leurs pensers, Mais le moindre mouvement qu'ils faisaient Semblait un frisson de plaisir.

1 "^'ordsworth. Lines wrilten a few miles above Tintern Abbey,