Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/412

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Les rameaux bourgeonnants ouvraient leurs éventails

Pour saisir la brise légère ;

Et je ne pouvais m'empêcher de penser

Qu'il y avait du bonheur autour de moi.

Si cette croyance est envoyée du ciel ,

Si tel est le plan de la Nature,

N'ai-je pas raison de me lamenter

De ce que l'homme a fait de l'homme i.

C'est ainsi que la Nature est l'éducatrice de l'homme. Elle le forme et le compose, à la lettre. Elle lui donne non-seulement la Piété naturelle, l'Humilité, le Calme, l'Indifférence pour les biens passagers, la Sérénité et la Joie ; elle lui verse encore, comme une mère intarissable, ce qu'on a appelé le lait de la bonté humaine. C'est ainsi que le noble poète a pu dire qu'un instant avec elle peut donner plus que des années de raison travaillante ^ ; c'est ainsi qu'il a pu dire que son école favorite avait été les champs, les routes, les sentiers agrestes ^, et qu'il a pu lui rendre un hommage de reconnaissance presque filiale,

Heureux de reconnaître

Dans la Nature et le langage des sens

  • L'ancre de mes plus pures pensées, la nourrice ,

La conductrice, la gardienne de mon cœur, l'âme

De tout mon être moral i.

Avec ces éléments, Wordsworth a créé la poésie de la Nature la plus complète, la mieux enchaînée et la plus profonde que l'esprit humain ait encore produite. Comme l'univers est un livre qu'il faut étudier et lentement comprendre, sa poésie devait être méditative, de même que celle de Shelley a été lyrique. Le mouvement, l'élan, la passion sûrement y sont moindres. C'est qu'en effet, elle est, par un côté, inférieure à celle de Shelley. L'idée du progrès que fera l'esprit humain dans l'intelligence dn monde y est bien ; le progrès du monde lui-même n'y saurait trouver place. La Nature n'est pas une improvisation continuelle, un discours qui se déroule, profitant à chaque instant de sa clarté et de son éloquence acquises; c'est un livre écrit pour jamais. Le sens en est arrêté. Il n'y aura d'avancement que dans l'explication de son texte mystérieux.

De quelque côté pourtant qu'entraînent les préférences, eux deux sont de beaucoup les deux plus grands poètes de la Nature, on pourrait presque dire les deux seuls. Chez tous les autres, chez Cowper, chez Byron, chez Keals, chez Coleridge, chez Tennyson, il y a des fragments exquis ou puissants ; mais combien l'ensemble est inférieur en richesse et en

1 Wordsworth. Poems of Sentiment and Refleclion. Lines wrillen in Early Spring.

2 M. Poems of Sentiment and Reflection. To my Sister.

3 Id. The Excursion, Book ii.

4 Id. Lines composed a fow miles above Tintern Abhey.