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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/421

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plus classique qu'il y ail dans la littérature anglaise, j'entends à la facondes Grecs, et non des Latins, qui ont manqué de spontanéité et de mouvement. Il l'est par la clarté et la solidité de la construction, la proportion exacte entre l'expression et la pensée, le dédain des ornements, la sobriété des mots, la vigueur simple, le muscle net et maigre de la phrase, quelque chose de ramassé, de compact et de nu. Il l'est aussi par un langage moyen qui ne vise jamais au haut ni au profond, toujours concret, qui revêt les vérités même élevées d'une forme solide et terrestre, comme les anciens. Et il est impossible de ne pas remarquer aussi, bien que ce ne soit pas uniquement une question de forme, qu'il possède encore cet inimitable privilège des anciens d'élargir le précis, et de donner à un fait particulier un aspect général et un intérêt humain. Il est bien plus près des modèles grecs que les pseudo-classiques du xviii* siècle, qui avaient un certain goût des ordonnances classiques, surtout oratoires, mais chez qui la prétention verbale, l'apprêt de la phrase, la symétrie des mots, ont raidi la forme et l'ont détachée de la pensée. D'ailleurs ils n'ont visé au classique que dans l'abstrait, au classique noble. La seule œuvre poétique anglaise qui nous donne l'impression d'une mesure aussi parfaite est ce chef-d'œuvre, Enoch Arden, oii pas un mot ne dépasse son rôle. Mais c'est le classique d'un alexandrin, un mélange riche de métaux, ouvré par un art inimitable, comme par la main d'un Théocrite moins réel et plus touchant. Tout au plus pourrait-on dire que Burns est trop véhément ; il a un eutassement et une bousculade de sens, un mouvement trop pressé : il n'a pas le loisir antique.

Ces dons s'exercent avec une aisance telle qu'on n'en trouverait d'exemple que chez les improvisateurs dont les productions ne s'élèvent pas à l'art. Tout cela sourd à bouillons vifs et limpides, comme d'une de ces sources de collines, intarissables. Aucun poète n'a écrit avec plus de facilité et en même temps de condensation, et c'est en quoi il est sur- prenant. Ses œuvres furent le simple exercice d'un esprit tellement surabondant et vigoureux qu'elles sont fortes sans effort. Une sincérité incomparable enveloppe tout ce qu'il a produit, comme une atmosphère. « L'excellence de Burns, dit Carlyle, est, à la vérité, parmi les plus rares, soit en poésie, soit en prose, mais en même temps elle est claire et facilement reconnaissable : sa sincérité, son indiscutable air de vérité ' ».

Burns est absolument en dehors, à l'écart, de la littérature anglaise moderne. Il ne s'y rattache point par ses origines, qui sont celles que nous avons vues, toutes locales et écossaises. Il n'y tient point par sa manière et son inspiration, qui sont aussi différentes de celles de la poésie moderne qu'il est possible de l'imaginer. Il suffirait de reprendre

1 Carlyle. Essay on Burns.