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sensible. Celui qui est après lui le plus ^rand poète écossais, Hogg, est un disciple des vieilles ballades et deWaller Scott. Les chansonniers qui continuent la tradition écossaise, comme Tannaliill, la baronne Nairn, Robert Nicoll, ont simplement imité les vieilles chansons, ainsi que Burns l'avait l'ait lui-même, Charles Kingsley remarque avec justesse que les chansons « écrites avant lui sont évidemment d'une valeur très supérieure, à celles écrites après lui * ». On n'a rien fait qui ait continué son Tara- de Shanter, ou ses Jo//eux Mendiants, ou ses Petits Poèmes., ou ses Épitres. Les formes elles-mêmes semblent abandonnnées et paraissent appartenir au vieux temps. C'est qu'en réalité Burns a été le point culminant d'une littérature indigène qui semble close maintenant. Il a été le plus brillant, le plus savoureux, le dernier fruit, sur le plus haut rameau du vieil arbre écossais.

Ce n'est pas à dire qu'il n'ait pas d'influence. Il en a, au contraire, une considérable. S'il n'a pas une influence étroite de manière littéraire, il a une influence littéraire générale, comme les grands écrivains qui sont des modèles, et chez qui les hommes de tous temps vont prendre des leçons pour le maniement de la pensée. Là, son influence est toute de nerf, de marche directe et prompte. Il est impossible de vivre avec lui pendant quelque temps sans prendre goût à la simplicité, sans s'éloigner de ce qui sent le développement, la longueur et l'afféterie. Son com- merce est ferme et mâle. Il n'est point de poète qui puisse mieux rem- placer les anciens. Il a, avec celle-là, une influence plus grande encore, et, à ce qu'il semble, constamment grandissante. Sa poésie a une vertu d'action. Elle est pratique et efficace. Elle parle de gaîté, de bonté, de vaillance, avec un accent qui convainc. Elle est faite, non pour les hauts dilettantes de rêverie, mais pour les travailleurs de la vie, ceux qui ont besoin d'un mot viril pour se remettre le cœur, de chanter un vers allègre pour se redonner de l'espoir. Elle circule dans le peuple. C'est une source de proverbes, de refrains, de préceptes brefs et portatifs. Il est peut-être à cette heure le poète moderne le plus cité dans le monde. Ses chansons résonnent en Amérique, en Australie, aux Indes, partout où est la langue anglaise, et ses vers — à lui qui aimait si peu les prêtres — sont cités jusque dans la chaire par les voix les plus graves et les plus pures ^. Il a augmenté le nombre de ces livres bienfaisants oii les hommes cherchent des moments de tendresse, de gaîté, d'enthousiasme, supérieurs à la vie qu'ils mènent. Et par là encore il est devenu tout d'un coup un classique, sans passer par cette épreuve d'influence et de mode littéraires, dans laquelle les plus grands subissent des critiques, souffrent des

1 Charles Kingsley. Burns and lus School, dans ses Lilerary and General Leclures and Essai/s.

2 Dean Stanley le cite plusieurs fois dans ses Leclures on Ihe Hislory of the Church of ScoUand.

II. s 26