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élagiiements, connaissent la discussion, les vicissitudes et les dénigre- ments, pour prendre ensuite leur rang définitif.
Il est assuré de chances singulières de durée. Son langage est si simple qu'il ne vieillira pas. Il n'est pas jusqu'à l'emploi d'un dialecte séparé, soustrait désormais aux fluctuations de la langue littéraire, qui ne le place d'abord dans un langage clos et définitif. Et il est, par un autre côté, préservé d'autres causes de ruine ou de délabrement, La part de considérations générales est importante chez les poètes modernes. Les plus grands : Wordsworth, Shelley, Byron, Tennyson, en sont chargés. Leur poésie est philosophique. Une portion de leur influence est due ou a été due — car il faut déjà parler ainsi — à cet élément de pensée abstraite. La force, la hauteur, la portée de leur esprit s'y manifestent. Mais que c'est là une grandeur périlleuse ! Ce qui fait leur puissance sur leur génération est peut-être ce qui la détruira auprès des générations futures. Les solutions, bien plus, les aspirations philosophiques se transforment ; rien n'est plus susceptible de vieillir que ces conceptions ; la part de vérité qu'elles renferment les abandonne, se combine autrement avec les besoins et les clartés de nouvelles époques. Les systèmes sont délaissés , comme des temples où la divinité ne réside plus : la poésie, souvent magnifique, qui s'y trouvait comprise, en souffre; les arceaux et les voûtes s'écroulent , le plan de l'édifice disparaît ; il ne demeure plus que des fragments disjoints. Combien un cri de passion ou la simple représentation de la vie sont plus indestructibles ! Et cette dévastation se fait rapidement. Où en est la philosophie des Méditations ? Où s'en vont les élucubrations philosophiques de Hugo ? La richesse d'images et de tableaux qui y est versée n'eût-elle pas fourni une œuvre plus solide , si elle eût été appliquée à des sujets concrets , comme les Pauvres gens ou Eviradnus. Qui sait si, dans iin siècle, la pro- fondeur de In Memoriam ne sera pas comblée? Peut-être l'avenir tient-il en réserve un peu de la destinée de du Bartas pour quelques-uns de nos poètes. Or toute cette partie conjecturale et caduque n'existe pas dans Burns. Sa poésie est faite d'action et de passion ; on n'y rencontre de philosophie que ce que la réalité en contient. Et cela suffit bien. Car, à y regarder de près, où esl la philosophie des grands peintres humains? En dehors des aphorismes sur la brièveté du présent, sur l'incertitude de l'avenir, qui sont des lieux communs, il n'y a pas pour deux oboles de philosophie dans Shakspeare ou dans Molière. Ils appliquent l'énergie de leur esprit et leur puissance de sentir aux conceptions ordinaires de leur temps. Leur mérite n'est pas de trouver que les hommes sont égaux, sont frères, qu'il faut travailler, pardonner, tous préceptes acquis à l'humanité, mais de les exprimer avec nouveauté ; de même qu'ils rajeunissent l'expression de l'amour. C'est pure manie que de vouloir tirer de la philosophie des poètes ; la critique allemande, qui s'est appliquée séneu-