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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/44

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place. Il dit bien : « 11 y a une noble sublimité, une tendresse qui fond le cœur, dans quelques-unes de nos anciennes ballades, qui dénotent qu'elles sont l'œuvre d'une maîtresse main* » . Mais c'est à peu près la seule marque d'enthousiasme que les ballades aient obtenue de lui, et elle date de sa jeunesse. Tandis qu'il savait presque toutes les chansons écossaises, et qu'il était infatigable à recueillir les chansons nouvelles qu'il rencon- trait, il semble ne faire aucun cas des ballades et les laisse échapper. Il écrivait à William Tytler de Woodhouselee, grand amateur de vieilles poésies, en lui en envoyant quelques-unes, une lettre qui est très signi- ficative à cet égard :

« Je vous envoie ci-inclus un échantillon des vieux morceaux qu'on peut encore trouver parmi nos paysans de l'Ouest. Je possédais jadis bon nombre de fragments pareils, et quelques-uns plus complets, mais, comme Je n'avais pas la moindre idée que quelqu'un pût se soucier d'eux, je les ai oubliés. Je considère fermement comme un sacrilège de rien ajouter qui soit de moi pour rétablir les épaves disloquées de ces vénérables vieilles compositions ; mais elles ont maintes versions différentes. Si vous n'avez pas déjà vu celles-ci, je sais qu'elles flatteront vos sentiments calédoniens qui sont dans le bon vieux style 2. »

Il y a, dans ces derniers mots, l'indulgence qu'on a pour une manie inoffensive. Plus tard, dans sa correspondance avec Thomson, il le dissuade d'admettre dans son recueil une des plus célèbres ballades, celle même qui avait fourni le sujet de la tragédie de Douglas :

« Je suis inflexiblement pour exclure Gil Morice en entier. Il est d'une maudite longueur qui fera faire une grande dépense d'impression ; l'air lui-même ne se citante jamais ; une ou deux bonnes vieilles chansons en tiendront bien la place 3. »

Pour faire contraste, il n'y a qu'à rapprocher la façon dont Gray parlait de cette même ballade, et comparer son enthousiasme à la froideur de Burns. « Je me suis procuré la vieille ballade écossaise sur laquelle Douglas est fondé ; elle est divine et aussi longue que d'ici (Cambridge) à Aston, ne l'avez-vous jamais vue? Les meilleures règles d'Aristote y sont observées, d'une manière qui prouve qife l'auteur n'avait jamais lu Aristote. Vous pouvez en lire les deux tiers sans deviner de quoi il s'agit, et cependant, quand vous arrivez à la fin, il est impossible de ne pas comprendre l'histoire tout entière. ^ » On sent toute la différence.

Dans ces dispositions, il n'est pas étonnant que Burns ait peu imité les ballades et que leur influence soit très faiblement marquée dans son

  • Common place Book, Sept. 1~85.

2 To William Tytler of Woodhouselee, Aug. nST.

3 To G. Thomson, Sept. ngs.

4 Cité dans the Ballad Minstrelsy of Scotland, publiée par M. Ogle, dans l'Introduction historique qui précède ia ballade.