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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/48

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Dur est ton cœur, Lord Gregory,

Et ta poitrine est un roc ;

Foudres du ciel, qui me frôlez en passant,

Oh ! ne me donnerez-vous pas le repos ?

Vous, tonnerres, ramassés dans le ciel , Voyez la victime qui s'offre à vous ! Mais, épargnez-le, pardonnez à mon faux ami Ses torts envers le ciel et envers moi ^. »

A coup sûr, cette chanson est touchante aussi. Elle est moins brutale, plus riche en nuances de sentiment, d'une psychologie plus subtile et plus délicate, que le passage analogue de la ballade. Mais c'est tout ce qui en reste. On a beau dire que, dans le cas présent, Burns était lié par les nécessités du recueil de Thomson. C'est assez qu'il n'ait été inspiré par les ballades populaires que dans cette mesure pour montrer qu'il les goûtait peu, et qu'elles n'ont pas été une des sources de sa poésie.

Cela est d'autant plus significatif que, d'un bout à l'autre du xviii** siècle, ces ballades ont été l'objet de nombreuses 'imitations dont quelques-unes sont des chefs-d'œuvre. Dès le commencement du siècle, avant même l'article d'Addison sur Chevy Chase, et le recueil d'Allan Ramsay, lady Wardlaw composait la fameuse ballade de Hardyknnte. LadyWardlaw fut, avec lady GrizzelBaillie , au début de cette lignée de femmes poètes qui, passant par Mrs Cockburn, Miss Jane EUiot, Miss Blamire , la misérable Jane Glover, Miss Cranston , qui devint Mrs Dugald Stewart , Miss Hamilton , lady Anne Barnard , aboutit à la baronne de Nairne et à Miss Joanna Baillie. En 1723, David Mallet, qui s'appelait alors Malloch et n'avait pas encore changé son nom écossais en nom anglais, écrivait sa Jolie ballade de William et Margaret. Vers 1748, William Hamilton composait sa ballade Les bords du Yarroiv, qui a bien la saveur des anciennes poésies. En 1755, John Home tirait de ^a ballade de Gil Morice le sujet de sa tragédie de Douglas. En 1770, paraissait, dans les poésies du pauvre Michaël Bruce, la ballade de Sir James. Vers 1775, Julius Mickle publiait sa ballade de Cumnor-Hall, qui a inspiré à Walter Scott le roman de Kenilivorth. Ainsi, avant Burns et tout autour de lui , les imitations d'anciennes poésies foisonnaient. Elles ne rendent pas toujours la couleur, l'âpre accent et la forte simplicité de leurs modèles. Le xviii® siècle n'était pas fait pour réussir dans ces qualités. Ce qu'elles imitaient surtout était le romanesque, et elles le transformaient parfois étrangement. Mais elles conduisaient vers le moment oii ces anciennes ballades devaient fournir leur influence entière, et agir aussi par leur élément pittoresque et

1 Lord Gregory.