Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- 26 -

moissonneurs, leur adjoignissent un cornemusier, qui jouait tandis que les faux se démenaient dans les épis ; il avait une part de moissonneur ^ On rentrait la récolte au son des violons. Les concours de cornemuse étaient fréquents. Les chemins étaient parcourus par des musiciens ambulants 2. Encore aujourd'hui, il est impossible de faire un voyage en Ecosse sans en rapporter une vive impression musicale. Parmi les souvenirs qui nous en sont restés, deux des plus frappants sont celui d'une soirée d'été où, dans la grande rue d'Ayr, deux cornemusiers jouaient de vieux airs en marchant vite de long en large ; celui de quelques heures solitaires, passées au haut de Calton Hill à voir le crépuscule descendre sur les fumées d'Edimbourg, tandis que le pibroch montait d'en bas, perçant tous les bruits confus de la cité, semblable au grillon de la vaste nuit.

Sur cette végétation de musique, se sont posées une quantité bien plus grande de chansons, car souvent elles se sont abattues à quatre ou cinq sur un seul air, comme des oiseaux sur une branche. Elles se sont ainsi multipliées à l'infini 3. Le pays entier en est sonore. Tout le monde j chante. Le principal Shairp, qui a laissé lui-même quelques douces mélodies et surtout a écouté les mélodies de sa contrée avec un cœur attendri, a heureusement décrit cette universalité de chansons. « Jusqu'à une époque très récente, l'air entier de l'Ecosse, parmi le peuple des campagnes, était parfumé de chansons. Vous entendiez la laitière chanter une vieille chanson, en trayant les vaches dans le pré ou dans l'étable ; la ménagère vaquait à son travail ou filait à son rouet, avec un lilt sur les lèvres. Vous pouviez entendre, dans une glen des Hautes-Terres, quelques moissonneuses solitaires chanter, comme celle que Wordsvvorth a immortalisée. Dans les champs des Basses-Terres, à la moisson, tantôt l'un, tantôt l'autre des faucheurs prenait une mélodie vieille comme le monde, et toute la bande éclatait en un chorus bien connu. Le laboureur en hiver, en retournant le gazon vert, faisait passer le temps en bourdonnant ou en sifllantun air ; même le tisserand, quand il poussait la na\ette entre les fils, adoucissait par une chanson le dur bruit. Jadis, la chanson était le grand amusement des paysans, lorsque par les soirs d'hiver, ils se réunissaient pour les veillées* du hameau, au foyer les uns des autres. Tel a été l'usage de l'Écossé pendant des siècles.* »

Ce n'est là qu'un résumé élégant et un peu académique de ce bruisse- ment de chansons par tout le pays. Veut-on un exemple particulier,, et autrement pénétrant, de ce que pouvaient être, même en des temps proches

1 Northern Rural Life in (lie Eighteenth CenCury, chap. xviii, p. 143. - Voir J. Clark Murray. The Ballads and So7igs of Scolland, p. 188. ^ J. Clark Murray. The Ballads and Songs of Scolland, p. 191. i Shairp Aspecls of Poeiry, chap. vu, p. 199.