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C'est de cette strophe-ci que Burns fit usage. On en trouvera plus loin un exemple tiré de lui. Celle de James I nous semble supérieure; elle est plus savante, plus difficile, mieux ramassée, et elle lance le refrain avec plus de nerf, après le petit arrêt. Mais c'est en somme la même forme et la même allure, courte et rapide. Enfin les deux vieux poèmes ont transmis à ceux qui les ont suivis quelque chose de plus subtil et de plus précieux, leur esprit d'observation exacte, leur gaîté, leur ironie, leur franchise de touche, leur besoin de mouvement et d'action, leur goût de terroir. Ces deux pièces sont donc importantes. Elles sont le point de départ et le modèle de toute une série de poèmes populaires qui aboutis- sent aux chefs-d'œuvre de Burns, et dont la filiation se suit très bien.

En dépit de l'autorité de M. Veitch, il ne nous semble pas que cette filiation s'établisse d'aucune façon à travers les deux poèmes intitulés : Les Trois contes des Trois prêtres de Peehles, ti Les Frères de Bervvick ^. Ceux-ci ne ressemblent aux pièces que nous avons vues, ni par le choix du sujet rustique et purement écossais, ni par le vers court-vêtu et leste, ni par l'élan lyrique de la strophe, ni par la promptitude et l'allure du récit. Ce sont des histoires étendues et diffuses, se traînant pénible- ment en vers de dix pieds, sans strophes, de longs fabliaux à la façon du Moyen-Age, avec digressions morales, satires contre le clergé et allégo- ries 2. Le premier raconte un mauvais tour joué par un clerc à un prêtre. Le second se compose de trois histoires morales que trois prêtres de Peebles se racontent, pour-se faire mutuellement ])laisir. Dans la première de ces histoires, un roi, dans son Parlement assemblé, propose aux trois états trois questions : Pourquoi la famille d'un^ riche bourgeois ne pros- père jamais jusqu'à la troisième génération ? Pourquoi les nobles actuels sont-ils tellement dégénérés de leurs ancêtres ? Pourquoi le clergé n'est- il plus doué du pouvoir de faire des miracles? On voit toute la distance qu'il y a de ces lenles productions « à tendance morale ^ » aux joyeux petits poèmes écossais.

C'est par ailleurs qu'il faut aller pour suivre ce filon de poésie natio- nale. On sent qu'il se prolonge sous le sol. Çà et là des affleurements le trahissent. Si nous avions à indiquer les traces qui en marquent la conti- nuité et la direction, nous choisirions la pièce de Dunbar Aux marchands d Edimbourg qui fait penser aux pièces citadines de Fergusson ; nous prendrions surtout les deux pièces anonymes intitulées Le Mariage de Jok et Jynny, et La Femme d' AucMermuchty *. Dans la première, la

1 Veitch. History and Poetry of thc Scotlish Borders, chap. x, p. 312 et suivantes.

2 Les deux poèmes se trouvent dans The Book of Scotlish Poems de J. Ross. •^ Irving. History of Scolish Poetry, p. 303 et suiv.

^ On trouvera ces deux pièces dans le recueil de J. Ross The Book of Scotlish Poems. Dans le petit recueil de Chambers, Popular ScoUisli Poems, on trouve aussi La Femme d'Auchlermuchty.