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Dit-il : « j'abandonne mon office Pour le reste de mes jours, Car je mettrais la maison à la côte, Si j'étais vingt jours ménagère. . . »

Dit-elle : « tu peux bien garder la place,

Car bien sûr je ne la reprendrai pas » ;

Dit-il : « le démon saisisse ta face menteuse,

Tu seras bien contente de la ravoir. »

Alors elle empoigna un gros bâton,

Et le brave homme fit un pas vers la porte.

Dit-il : « Femme je me tairai,

Car si on se bat j'aurai mon affaire. »

Dit-il : « Quand j'abandonnai ma charrue. Je m'abandonnai moi-même. Je vais retourner à ma charrue. Car cette maison et moi nous ne nous entendrons jamais. * »

La donnée de cette pièce est un peu enfantine sans doute ; il est difficile en outre de ne pas y discerner je ne sais quel arrière-goût d'origine étrangère. On dirait plutôt le sujet goguenard d'un fabliau français. Mais les détails sont écossais jusqu'au moindre. Bien que les strophes n'aient pas de refrain, elles conservent cependant l'allure légère et lyrique de ces petits poèmes.

Pendant le xvii" siècle, cette branche de poésie fleurit et se déve- loppa singulièrement dans une même famille de propriétaires, fermiers du Renfrewshire, les Semple de Beltree. Le premier d'entre eux, Sir James Semple, est l'auteur d'un long poème satirique contre la papauté, intitulé Un cure-dent pour le Pape ou le Pater noster du Colporteur; c'est une longue discussion théologique, en forme de dialogue entre un colporteur et un prêtre. Elle ne relève pas du genre qui nous occupe. C'est un pam- phlet religieux eu vers 2. Mais le fils de Sir James, Robert Semple de Beltree, qui naquit vers 1599 et mourut vers 1670, est un personnage important dans la poésie populaire écossaise. Il l'est pour deux motifs.

Le premier, c'est qu'il a donné le modèle de ces fausses élégies qui feignent de déplorer la mort d'une personne encore vivante, ou dont la mort est trop lointaine ou trop indifférente pour causer un vrai chagrin. C'est une parodie de lamentation, où, sur un ton moitié attendri, moitié railleur, les qualités et les défauts du défunt sont rappelés avec bonne humeur. C'est, eu plus grand et avec une forme lyrique, ce que sont les épitaphes qui tournent à l'épigramme. Mais tandis que celles-ci, à cause

1 The Wife of Auchtermuchty, la fin.

2 Voir Irv'mg. History o[ Scotish Poelry, p. 569-72. Il dorme des extraits du poème de Sir James Semple. .