Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Marcabrun et de Jaufre Rudel, nous arrivons à un des plus grands noms de la poésie provençale. Nous ne reviendrons pas sur sa biographie. Du moins nous ne rappellerons de sa vie que ce qui est nécessaire pour l’intelligence de son œuvre. Il se distingue de la plupart des autres troubadours par la naïveté, par la sincérité et la délicatesse des sentiments. Au milieu de cette littérature un peu monotone qu’est l’ancienne littérature provençale ses poésies sont un véritable charme.

Est-ce la conception qu’il se fit de la vie que lui a valu cette place à part ? La voici dans sa franchise naïve : « Celui-là est bien mort, qui ne sent pas au cœur quelque douce saveur d’amour ; et à quoi sert de vivre sans amour, si ce n’est à causer de l’ennui aux autres ? » Ce n’est pas le lieu de disserter sur cette conception de la vie ; il faudrait peut-être bien la modifier un peu dans notre société contemporaine ; et avec Victor Hugo on pourrait demander, à côté de quelque « grand amour » quelque « saint devoir ». Sans insister sur la valeur de cette conception, demandons-nous comment Bernard de Ventadour y a conformé sa vie.

On se souvient qu’il était fils d’un des plus pauvres serviteurs du château de Ventadour et que son châtelain avait fait son éducation poétique. Il adressa ses premières poésies à la femme de son seigneur, à Agnès de Montluçon, de la famille de Bourbon. « Depuis que nous étions tous deux enfants, dit-il, je l’ai aimée et je l’adore ; et mon amour