Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/140

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que l’esprit y tient trop de place, qu’il y a dans l’emploi de ce procédé littéraire trop d’art et d’artifice.

Voici le début d’une chanson composée sous forme dialoguée.

Mais comment se fait-il, par Dieu, qu’au moment où je veux chanter je pleure ? Serait-ce à cause d’Amour, qui m’a vaincu ? Et d’amour ne me vient-il aucune joie ? Si, il m’en vient. Alors pourquoi suis-je triste et mélancolique ? Pourquoi ? Je ne saurais le dire.

J’ai perdu la considération (dont je jouissais auprès de ma dame) et la joie n’a plus pour moi de saveur. Jamais pareil malheur arriva-t-il à un amant ? Mais suis-je un amant. Non ? Est-ce que je cesse de l’aimer avec ardeur ? Non. Suis-je un amant ? Oui, de celle qui me permettrait de l’aimer.

J’ai bien reconnu qu’Amour ne me donne aucune joie ni aucun secours. Aucune joie ? Et pourtant j’aime la plus belle qui soit au monde. Aucune joie ? Non, aucune. … Comment ? N’ai-je pas reçu assez de bien et d’honneur de ma dame ? Si, mais elle en a retenu davantage…[1].

Voici encore le début d’une chanson tout entière en style dialogué. Ici le poète fait intervenir un ami comme interlocuteur.

Hélas ! je meurs ! — Qu’as-tu, ami ? — Je suis perdu. — Et pourquoi ? — C’est que j’ai jeté mes regards sur celle qui me fit si belle impression. — Est-ce pour cela que tu as le cœur dolent ? — Oui. — Ton amour est-il si grand ? — Oui, plus (que je ne saurais dire). — Es-tu donc si près de la mort ? — Oui, très près. — Mais pourquoi te laisses-tu mourir ? — Parce que j’aime trop et que je suis trop timide. — Ne lui as-tu rien demandé ? — Moi ? par Dieu, non. — Mais pourquoi te plains-tu si fort, tant que tu ne

  1. id., no 21.