— Seigneur, quel conseil me donnez-vous ? — Un bon conseil et courtois. — Dites. — Va vite devant elle et demande lui son amour. — Et si elle le prend mal ? — Ne t’en préoccupe pas. — Et si elle me fait quelque méchante réponse ? — Supporte-le ; à la patience appartient toujours la victoire. — Et si le « jaloux » (le mari) s’en aperçoit ? — Alors vous agirez avec plus de ruse.
— « Nous » agirons ? — Sans doute. — Pourvu qu’elle veuille. — Elle voudra. — Comment ? — Crois-moi. Ta joie doublera, si tu oses parler[1].
Ce ne sont pas sans doute des chansons de ce genre qui lui valurent d’être appelé par Dante le poète de la « droiture ». Le grand poète italien était sensible à d’autres côtés de son talent[2].
Et d’abord Giraut de Bornelh eut de son art une conception très haute. Le retour de la belle saison ne suffit pas à l’inspirer ; le thème est déjà trop conventionnel. Il faut à son inspiration des motifs et des causes plus intimes. Il raconte dans une de ses chansons[3] un songe étrange : un épervier sauvage était venu se poser sur son poing ; il était d’abord farouche, mais il s’apprivoisa bientôt. Le poète communique ce songe à un ami qui lui dit que c’était là le présage d’un grand amour. « Alors, dit-il, vous entendrez le poète, vous verrez chansons aller et venir. » Un grand amour, c’était le secret de son enthousiasme, de son inspiration lyrique.