Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/149

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serait mort d’ennui, si la fille du roi Henri II[1], n’avait daigné agréer ses hommages poétiques. « Il ne saurait y avoir de cour digne de ce nom, dit-il, sans que l’on y plaisante et que l’on y rie ; une cour sans dons n’est qu’un parc de barons. L’ennui et la mesquinerie d’Argenton [c’était là que séjournait la cour] m’auraient tué sans faute, mais la douce figure compatissante, le bon accueil et la conversation de la Saxonne m’en ont préservé. »

Cependant des trois fils du roi d’Angleterre l’aîné, Henri, que l’on appelait le jeune roi, était jaloux de ses frères, surtout de Richard Cœur de Lion. Bertran de Born embrassa son parti et le poussa à la révolte contre son frère et son père. Au dernier moment le jeune roi hésita. Bertran lui adressa un sirventés indigné.

Je ne veux plus tarder d’écrire un sirventés, tellement j’ai envie de le dire et de le répandre ; car j’ai un motif nouveau et fort (de composer un chant) ; le roi Henri retire par force la demande qu’il avait adressée à son père. Puisqu’il ne possède aucune terre, qu’il soit le roi des lâches.

Le jeune roi fut sensible à ce sanglant reproche. Il s’engagea dans la lutte et demanda à Bertran de Born un nouveau chant pour effacer le souvenir du premier. Bertran écrivit un chant de guerre enthousiaste.

Je chante, car le roi m’en a prié en entendant mes menaces ; je chante cette guerre et le jeu que je vois

  1. La fille de Henri II, Mathilde, était mariée avec Henri, duc de Saxe ; aussi B. de Born l’appelle-t-il une fois la Saissa (la Saxonne).