Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/153

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badour, c’est à peu près le seul intérêt personnel. Quand il prend part au soulèvement des barons aquitains contre leur suzerain, Richard Cœur de Lion, ce n’est pas pour aider l’Aquitaine à conquérir son indépendance, mais pour se venger de Richard et obtenir quelques morceaux à la curée finale. Quand la guerre éclate entre Henri II d’Angleterre et Philippe Auguste, il manifeste un enthousiasme qui ressemble à du patriotisme : il rappelle à Philippe Auguste le souvenir de Charlemagne et lui demande s’il laissera longtemps à l’abandon les cinq duchés qui composent la couronne de France. Mais le patriotisme n’a rien à faire dans cet enthousiasme factice : en voici l’explication : « Ne croyez pas, dit-il, dans une de ses pièces politiques, que j’aie l’humeur belliqueuse, si je souhaite toujours de voir les puissants en venir aux mains ; c’est grâce à cela que les vassaux et les châtelains peuvent avoir du bon temps, car bien plus larges, plus généreux, plus accueillants, je vous le jure, sont les puissants, quand ils ont la guerre que quand ils ont la paix. » « Quand les rois font des folies, dit Horace, ce sont les peuples qui en pâtissent. » Ce n’était pas le cas pour Bertran de Born et pour les autres barons de cette contrée limousine toujours en révolte contre leurs suzerains.

Bertrand de Born est le poète de la guerre ; il l’aime surtout pour les profits immédiats qu’on en peut retirer. « Le danger est grand, mais le gain est encore supérieur. » « Nous entendrons bientôt, dit-il