Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/152

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dévouement jusqu’à suivre son fils, Richard Cœur de Lion, en Terre Sainte. « Je voudrais être là-bas, à Tyr, je vous le jure ; mais j’ai dû y renoncer, tellement les comtes, les ducs, les princes et les rois mettaient de retard à s’embarquer. Et puis, j’ai vu ma dame, belle et blonde, et mon cœur a faibli ; autrement je serais là-bas depuis au moins un an. » Pour le reste de sa vie, nous pouvons nous en tenir ici à la brève remarque qui termine sa biographie : « il vécut longtemps dans le siècle, puis se rendit à l’ordre de Citeaux » dans l’abbaye de Dalon, voisine d’Hautefort ; c’est là qu’il mourut tout au début du xiiie siècle.

Ce fut une vie fort agitée que la sienne ; celle de Guillaume de Poitiers, parmi les troubadours, pourrait seule lui être comparée. Aussi ses poésies ont-elles une couleur et un éclat que l’on retrouve rarement dans les poésies des troubadours. Avec lui naît la satire politique et elle atteint dès ses débuts un degré qu’elle ne dépassera pas. Bertran de Born attaque avec la même violence le jeune roi Henri, son frère Richard, le roi d’Angleterre, Philippe Auguste ou le roi d’Aragon, Alphonse II ; aucune tête couronnée n’obtient grâce aux yeux du chevalier poète : noble attitude en apparence et qui lui donne une allure hautaine de poète indépendant et redresseur de torts.

Mais nous serions dupes des apparences si nous nous en tenions à cette impression. Le mobile le plus ordinaire des indignations poétiques de notre trou-