Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/178

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Dieu nous montre que c’est lui seul que nous devons aimer et qu’il faut mépriser le misérable monde où nous passons comme des voyageurs…

Seigneur, c’est grande merveille que je puisse chanter de vous, quand je devrais tant pleurer ; mais je pleure abondamment en pensant que les gentils troubadours diront de vous plus de louanges que je n’en saurais dire[1].

La tristesse qui s’empara de Folquet à la mort de son ami fut sincère ; et elle ne contribua pas peu à l’éloigner du monde et de la poésie. « Quand il eut perdu, dit sa biographie, ses amis, il en eut tant de tristesse qu’il se rendit à l’ordre de Citeaux avec sa femme et les deux enfants qu’il avait. Il devint abbé d’une riche abbaye de Provence, puis fut évêque de Toulouse et mourut dans cette ville. »

Il fut mêlé, comme évêque de Toulouse, aux événements les plus tristes de la croisade albigeoise et il se comporta, en cette aventure, comme on ne l’aurait guère attendu de ce gracieux troubadour.

Et d’abord, par esprit de mortification, il brûla ce qu’il avait adoré ; il rougissait de ses poésies profanes : ceci était dans l’ordre. Ce qui l’était peut-être moins, ce fut la part qu’il eut aux mesures les plus draconiennes prises contre les Albigeois. Il se signala par une telle vigueur dans la répression de l’hérésie qu’il fut plus tard sanctifié par l’Église. L’auteur anonyme de la Chanson de la Croisade le juge d’une façon plus profane, mais sans doute aussi plus humaine et plus juste. Dans un passage célèbre de cette épopée, le comte de Toulouse se

  1. M. W. I, 324.