Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/196

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a contre le clergé séculier ou régulier de son temps une haine profonde. Il n’est pas de vice qu’il ne lui reconnaisse : la simonie, la débauche, la soif des richesses sont les plus communs. Quelques extraits de ses satires — et il en est de si violentes qu’on ne peut les citer — donneront une idée de cette haine et des motifs qui paraissent l’avoir provoquée chez Peire Cardenal.

Les clercs se font bergers et semblent des saints, mais ce sont des criminels ; quand je les vois habiller, il me souvient d’Isengrin qui, un jour, voulut venir dans l’enclos des brebis ; mais par peur des chiens il se vêtit d’une peau de mouton, puis mangea tous ceux qu’il voulut.

Rois, empereurs, ducs, comtes et chevaliers gouvernent d’ordinaire le monde ; maintenant ce sont les clercs qui ont le pouvoir, ils l’ont gagné en volant ou en trahissant, par l’hypocrisie, les sermons ou la force… je parle des faux prêtres qui ont toujours été les plus grands ennemis de Dieu[1].

Les rois, comtes, baillis ou sénéchaux, est-il dit dans une autre satire, s’emparent des villes et des châteaux ; l’Église imite leur exemple.

Ses hauts prélats accroissent leurs dettes sans mesure ; si vous tenez d’eux un beau fief, ils le convoiteront et ne vous le rendront pas facilement, à moins que vous ne leur donniez de l’argent et que vous ne fassiez avec eux une convention plus dure.

Si Dieu veut que les moines noirs (bénédictins) se sauvent par la bonne chère, les moines blancs par leur refus de payer, les chevaliers du Temple et de l’Hôpital par leur orgueil, et les chanoines par leurs prêts à usure, je tiens pour fous saint Pierre et saint Andrien qui souffrirent pour Dieu grand tourment, si ces gens-là parviennent à leur salut[2].

  1. Appel, Prov. Chr., p. 113.
  2. Mahn, Gedichte, no 975.