Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/197

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Voici d’autres traits satiriques du même genre : « Un seigneur avide n’aime pas voir son pareil ; les clercs ont la même convoitise ; ils ne voudraient voir dans le monde aucune autre classe d’hommes qui détienne le pouvoir ; ils ont fait des lois pour obtenir des terres, pour les accroître, non pour les diminuer, car un peu de puissance ne gêne pas.

« Je vois les clercs essayer de toutes leurs forces de mettre le monde en leur puissance… et ils y arrivent en prenant ou en donnant, par hypocrisie ou pardon, par le boire ou le manger, avec l’aide de Dieu ou avec l’aide du diable[1]. »

Moines blancs ou moines noirs, prêtres de toute robe et de tout ordre sont compris dans ces satires. Mais parmi les ordres nouveaux un paraît exciter plus que tout autre la verve satirique de Peire Cardenal, ce sont les Jacobins ; si le portrait qu’il en trace est exact — et d’autres documents nous renseignent sur l’état des ordres religieux fondés après la croisade — on peut voir quels étranges serviteurs soutenaient au milieu des populations méridionales la cause de la religion pour laquelle ces populations avaient été frappées.

Avec une voix angélique, d’une langue déliée, avec des mots subtils, avec de purs sanglots, ils montrent la voie du Christ que chacun devrait suivre, comme il la suivit pour nous… La religion fut d’abord honorée par des hommes ennemis du bruit ; mais les Jacobins ne se taisent pas après leur repas ; ils discutent sur les vins pour savoir quels sont les meilleurs ; querelles et procès sont leur vie ordinaire et ils traitent de Vaudois qui les en

  1. Raynouard, Choix, IV, 337.