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qui s’est manifestée sur terre par Moïse, par les Prophètes, par les Psaumes et par l’Évangile…

Sans doute ce sont là des formules bien connues des catholiques, mais chez ces deux poètes, Peire Cardenal et Dante, elles prennent un éclat nouveau par la place qui leur est donnée. Dante, en plaçant sa déclaration presque à la fin de son grand poème, a voulu donner la preuve, la marque de son orthodoxie et il l’a fait en vers magnifiques. Peire Cardenal a eu aussi la même intention. Un acte de foi de ce genre n’était pas chose inutile en ce temps-là ; mais celui-ci prend encore plus de valeur par le contraste qu’il forme avec la fin de la composition ; le tempérament satirique du poète reparaît ; voilà ce que je crois, dit Peire Cardenal, mais voilà ce que ne croient pas les mauvais prêtres, « larges en convoitises mais chiches de bonté ; ils sont beaux de visage, mais leur âme criminelle fait horreur ; Caïphe et Pilate obtiendront grâce plutôt qu’eux ».

On a remarqué sans doute le passage où Peire Cardenal affirme sa croyance à Rome et à saint Pierre[1]. Il s’en prend en effet aux faux prêtres, aux ordres religieux nouvellement institués, mais ne s’attaque pas à la papauté, seule responsable cependant des malheurs et des misères dont il est le témoin. Est-ce par prudence ou plus probablement par scrupule de croyant ? Quoi qu’il en soit, ces scrupules n’ont pas arrêté un de ses contemporains, le troubadour Guillem Figueira[2]. Il était originaire de Toulouse et paraît avoir séjourné dans la Haute-

  1. Cf. cependant la satire de la papauté et des hauts prélats dans la Gesta de Peire Cardenal (Car motz homes fan vers), sorte de poème satirique où il s’attaque à toute la société, du pape aux paysans.
  2. Sur Guillem Figueira, cf. l’édition de ce troubadour par Emil Levy, Berlin, 1880.