Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/23

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dehors de ces milieux ? La bourgeoisie n’était pas encore assez cultivée, du moins au début de la période qui nous occupe. Sans doute, dans la plupart des villes du Midi, elle a vu grandir rapidement son importance politique. En Provence et en Languedoc, les consulats, imités des institutions similaires qui fleurissaient en Italie, s’élèvent de plus en plus nombreux à la fin du xiie siècle ; ils sont en plein éclat au xiiie dans toutes les grandes cités méridionales. La bourgeoisie a fini par dresser son pouvoir en face de celui de la noblesse ; elle a imité ses goûts et a pris ses habitudes ; et pendant le xiiie siècle on observe dans la poésie provençale des traces de transformation, image du changement qui s’est opéré ou qui s’opère dans la société. Mais à cette époque la poésie lyrique est en pleine décadence. Pendant sa période la plus brillante elle est restée une poésie aristocratique : elle ne pouvait pas être autre chose.

On connaît assez par l’histoire de la civilisation la transformation profonde qu’a produite dans les mœurs le développement de l’esprit chevaleresque et courtois. Il semble que cette transformation se soit produite plus rapide et plus complète dans la société féodale du Midi de la France. Pour quelles raisons y prisait-on plus qu’ailleurs l’ensemble de ces qualités que l’on dénommait du gracieux nom de « courtoisie », mot qui nous est resté mais qui s’est singulièrement affaibli ? Il n’est pas très facile de l’expliquer. Peut-être le caractère fut-il, à cette époque, dans ces régions, plus gai et plus léger, l’esprit plus vif et