Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/233

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ses côtés dans la principauté de Salonique qui était échue au marquis.

Il semble qu’il ait séjourné quelque temps à Gênes. Une de ses poésies est une sorte de dialogue avec une Génoise dont il avait sollicité l’amour. Raimbaut s’exprime en termes tout à fait conformes à la phraséologie consacrée.

Dame, je vous ai tant priée de vouloir m’aimer, s’il vous plaît ; je suis votre vassal, vous êtes noble et sage et la source de toutes qualités ; aussi désiré-je votre amitié ; comme vous êtes courtoise en tout, mon cœur s’est épris de vous plus que de toute autre Génoise ; je serai bien récompensé si vous m’aimez et je serai plus payé de mes peines que si Gênes m’appartenait avec tout l’argent qui y est amassé[1].

Ces choses-là sont dites en termes très courtois ; mais la dame de Gênes avait des préventions contre les Provençaux et elle prit très mal la déclaration. Raimbaut de Vaquières la fait répondre en dialecte génois : « Jongleur, vous n’êtes point courtois de me faire une pareille demande ; jamais je ne vous l’accorderai… Je vous étoufferai plutôt, maudit Provençal… J’ai un mari plus beau que vous ; allez votre chemin, frère ; à des temps meilleurs. »

Le dialogue se poursuit ainsi, le poète s’exprimant avec courtoisie et discrétion et la dame lui répondant fort crûment en son parler génois. La pièce ne serait pas autrement intéressante si le poète ne s’était amusé à faire traduire en forme très vulgaire, très triviale par moments, le contraire des sentiments qu’il

  1. Appel, Prov. Chr., no 92.