Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/242

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serait pas complète[1] » ; aussi n’a-t-il pas besoin de prier Dieu ; celui-ci saura bien orner sa demeure comme il convient.

Malgré ces traits un peu affectés, quelques-unes de ses chansons ne manquent pas de grâce, comme le montreront les premières strophes de la suivante.

Amant parfait et loyal, je me suis mis, dame, en votre pouvoir ; c’est vous que je veux aimer, craindre et louer, car vous m’avez conquis par vos douces manières ; et je me suis enamouré de votre beau corps à cause de votre courtoise bienveillance.

Nulle autre femme ne me plaît, quelque grand amour que je puisse avoir, sauf vous, douce créature, à qui je me suis tout donné ; je voudrais que vous daigniez me retenir (pour serviteur) par un pacte semblable ; daignez me l’accorder, dame, car aucun autre amour ne me plaît.

J’ai confiance en votre grande intelligence que mon amour ne sera pas méprisé ; aussi vous servirai-je en paix de tout mon talent, de tout mon savoir et de toute ma connaissance ; et pour peu que vous m’accordiez votre pitié, il n’est joie au monde que la mienne ne dépasse[2].

Les accents de ce troubadour italien rappellent en pleine décadence ceux de Bernard de Ventadour ou de Jaufre Rudel.

Boniface Calvó de retour dans Gênes, sa patrie, eut l’occasion d’être utile à un confrère malheureux, au troubadour Bartholomée Zorzi. Ce troubadour était originaire de Venise où il s’adonnait au commerce. Pris dans un de ses voyages, poétiques ou commerciaux, par des corsaires génois, il fut emmené en captivité à Gênes, qui était en lutte avec sa ville natale. Il resta sept ans en prison. Boniface Calvó,

  1. Raynouard, Choix, III, 446.
  2. Mahn, Gedichte, no 553.