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un désir de la posséder ; et quelquefois ce désir persiste de telle sorte qu’il éveille l’esprit d’amour. Un homme de mérite produit le même effet sur une dame[1].

Voilà comment Dante explique la naissance de l’amour ; et voici comment, dans un autre sonnet, il en décrit les effets.

Ma dame porte amour dans ses yeux ; aussi ennoblit-elle tout ce qu’elle regarde. Partout où elle passe, chaque homme tourne les yeux vers elle, et elle fait battre le cœur de celui qu’elle salue.

Aussi baisse-t-il la tête, et devient-il pâle, en se plaignant du peu de mérite qu’il a. L’orgueil et la colère fuient devant elle. Unissez-vous donc à moi, mes dames, pour lui faire honneur.

Non, il n’est pas de pensée douce et modeste qui ne naisse dans le cœur de celui qui l’entend parler ; aussi celui qui la voit le premier est-il bienheureux.

L’air qu’elle a quand elle sourit ne se peut exprimer ni retenir dans la mémoire, tant ce miracle est nouveau et éclatant[2].

Rapprochons enfin de ces deux sonnets la chanson suivante de la Vita Nuova.

Dames, qui savez vraiment ce que c’est qu’amour, je veux m’entretenir avec vous de ma dame, non que j’espère la louer dignement, mais dans l’intention de soulager mon esprit en parlant d’elle. Je dis que, lorsque je réfléchis à mon mérite, l’amour se fait si doucement entendre à moi que, si je ne perdais pas toute hardiesse en ces moments, ce que je dirais rendrait tout le monde amoureux. Mais je ne veux pas m’élever si haut, dans la crainte que ma timidité ne me fasse tomber trop bas. Je traiterai donc avec vous, dames et demoiselles, mais

  1. Vita Nuova, trad. Delécluze, Paris, 1853.
  2. Ibid.