Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/257

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pleurs dans la poésie des troubadours. « Je pleure toute la journée, dit Pétrarque, et puis, pendant la nuit, quand se reposent les malheureux mortels, je me reprends à pleurer ; et mes maux redoublent encore ; ainsi je dépense mon existence en pleurs. » Voici enfin, pour terminer, un couplet qui est tout à fait dans le goût des troubadours, et pour lequel on trouverait plus d’un modèle ; c’est une description des impressions diverses que produit l’amour. « Amour en un même instant me presse et me retient, me rassure et m’effraye ; il me brûle et me glace ; il me plaît et m’irrite ; il m’appelle à lui, il me repousse ; il me remplit d’espérance, il me remplit de chagrin. »

On pourrait multiplier sans peine ce genre de citations. Cependant, il faut observer que quelques traits sont peut-être empruntés aux poètes italiens de l’école de Bologne et de Florence ; et quelquefois sans doute c’est à travers ces poètes italiens que Pétrarque a imité les troubadours. Et surtout — et nous terminerons par là — l’originalité de Pétrarque vis-à-vis de la poésie provençale et même vis-à-vis de la poésie italienne n’en demeure pas moins grande. La première poésie lyrique italienne faisait de l’amour une abstraction que l’on pouvait confondre dans une admiration commune avec l’intelligence et même avec la philosophie.

Cette passion était trop épurée et devenait trop éthérée. Pétrarque la ramène sur la terre, où est en somme sa véritable place. Sans doute il ne la ramène pas sur une terre vulgaire, au milieu des passions et