Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/264

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qui ne lui furent pas ménagées[1]. Il est certain que si le Conquistador avait secondé, avec sa puissance et ses talents militaires de premier ordre, les efforts un peu désordonnés que faisaient les Méridionaux pour se reconstituer — ou se constituer — une nationalité, les choses auraient pu changer de face. Mais Jaime déployait son activité contre les Maures qu’il chassait du royaume de Valence et des Baléares. Son règne fut long et glorieux ; un des derniers troubadours qui ont fréquenté sa cour, N’At de Mons, a surtout écrit des poèmes théologiques. Cependant, d’une manière générale, les troubadours qui ont été en relations avec le Conquistador ont plutôt cultivé la poésie guerrière ou morale que la poésie religieuse.

En Castille un des premiers protecteurs des troubadours fut le roi Alphonse VIII, celui qui gagna sur les Sarrasins la célèbre bataille de Las Navas de Tolosa (1212), victoire aussi décisive pour la chrétienté que celle de Poitiers gagnée par Charles Martel. Pour exciter les courages, au début de l’expédition, un troubadour[2] composa une chanson de croisade enflammée.

Seigneur, par nos péchés s’accroît la force des Sarrasins ; Saladin a pris Jérusalem que nous n’avons pas encore reconquise ; aussi le roi de Maroc annonce qu’il va combattre tous les rois chrétiens avec ses Andalous et Arabes, armés contre la foi du Christ… Les soldats qu’il a choisis ont tant d’orgueil qu’ils croient que le monde leur est soumis ; les Marocains se mettent en troupes par les prairies et disent entre eux avec orgueil : « Francs, faites-

  1. Cf. Bernard de Rouvenac, ein provenzalischer Trobador des XIII. Jahrhunderts, par G. Bosdorff, Erlangen, 1907.
  2. Gavauda, ap. Mila, op. laud., p. 128.